samedi, décembre 30, 2006

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 09 - Chapitre IV

Le Culte des Mérovingiens pour Marie

Après sa conversion, Clovis ne se contenta pas de dépenser ses forces à lutter contre les hérétiques, il voulut laisser d'impérissables témoignages de son culte fervent à Marie; il aimait à visiter les sanctuaires dédiés à la Reine du Ciel; près de Nogent-sur-Seine il fonda Notre-Dame de Nesles et, sur les bords du Rhin il construisit la première cathédrale qu'il plaça sous le vocable de la Vierge à laquelle il s'estimait redevable de sa conversion et de ses victoires (1), comme s'il avait voulu par cet acte de foi demander à la Mère de Dieu de veiller elle-même à la garde de Son Royaume. Autour de cette basilique, peu à peu une ville s'édifie: Strasbourg.
Le culte filial du premier de nos Rois envers Marie se perpétua chez ses descendants et successeurs.
Thierry, son Fils, fonda par charte en 508, Notre-Dame des Anges à Pignons, près de Fréjus; sa fille sainte Théodechilde, à la suite d'une apparition, construisit Notre-Dame des Miracles à Mauriac.
Childebert, autre fils de Clovis, abandonné des médecins, fait venir saint Germain, Evêque de Paris, qui obtient miraculeusement la guérison du Roi. En reconnaissance, celui-ci, ainsi qu'en fait foi une charte solennelle, fait don à la cathédrale sainte Marie de Paris, d'objets précieux et de plusieurs domaines. De passage à Angers, il fait agrandir le sanctuaire de Notre-Dame du Rocher.
Au retour de la guerre contre les Wisigoths, le Roi bâtit la basilique de Selles-sur-Cher en l'honneur et sous le vocable de N.-D. la Blanche.
Saint Cloud, petit-fils de Clovis, fait don à Notre-Dame de Paris du monastère qu'il a fondé à Nogent. (2).
Sous le règne de Chilpéric, la Reine construit une basilique magnifique, en l'honneur de Marie Immaculée (Virgini Intemeratae), près du Monastère de Saint-Evroult. (3).
Après la mort du Roi, Frédégonde se retire avec tous ses trésors à Notre-Dame de Paris.
Comment passer sous silence le culte de sainte Radégonde pour Marie puisque la Reine du Ciel voulut Elle-même le reconnaître en associant la sainte Reine à la préservation de Poitiers contre les Anglais par le Miralce des clefs en 1202. (4).
"En 562, Gontran, Roi d'Orléans et de Bourgogne, fils de Clotaire I, eut un fils affligé d'une maladie cruelle qu'on croyait être une possession du démon. En vain, on avait employé les exorcismes, en vain on avait multiplié les voeux, les prières, les pèlerinages, rien n'avait réussi". En désespoir de cause, il a recours à la Vierge et conduit l'enfant en pèlerinage à Notre-Dame de Sales à Bourges, "à peine le jeune prince a-t-il mis le pied dans l'Eglise qu'il se trouve complètement délivré." (5).
Dagobert, en hommage à Marie, fonde Notre-Dame de Cunault, près de Saumur, fait de grandes largesses au monastère de Notre-Dame de la Nef à Bourges - fondé par saint Sulpice - et, en 628, rebâtit la basilique que Clovis avait construite à Strasbourg.
Son petit-fils, Dagobert II, en 675, fait don de domaines et de grandes richesses à la basilique Notre-Dame de Strasbourg et se voue à la Reine du ciel en qualité de "vassal et de serf"; la dévotion du Monarque a pour effet de développer le culte de la Vierge: les deux rives du Rhin se couvrent d'églises et de monastères en l'honneur de la Mère de Dieu.
Sainte Ennimie, que son père Clotaire II, voulait marier alors qu'elle avait résolu de se consacrer à Dieu, demanda de perdre la santé pour conserver sa virginité. A trois reprises elle fut exaucée et obtint enfin ce qu'elle voulait. Sur l'indication d'un ange, elle vint s'établir près de Floirac pour y ériger un monastère, elle dédie une des deux chapelles à Marie.
Sans doute, la branche aînée de la Race Royale commit bien des fautes, des crimes même, mais son culte fervent à la Vierge et sa foi profonde lui valurent la gloire de donner le jour à de nombreux saints.
Sans parler de Clovis que certains auteurs regardaient comme saint, bien que n'ayant pas été canonisé, citons sainte Clotilde, sainte Radégonde et sainte Bathilde, reines de France, saint Gontran, roi de Bourgogne et d'Orléans, sainte Théodechilde, sainte Ennimie, etc....
En parcourant "la Vie des Saints", de Mgr Guérin ou celle des Bollandistes, on pourrait compter plus de quarante saints descendants de Clovis et de Sainte Clotilde, sans compter les Princes dont sont issus les deux autres branches de la Famille Royale, alors Maires du Palais: saint Pépin de Landen, saint Arnoul; et de grands ministres comme saint Eloi et saint Léger (6), qui tous appartenaient au tronc mérovingien et descendaient de branches ayant donné chacune également de nombreux saints.
Magnifique auréole, couronne la plus glorieuse de toutes assurément! Toute la gloire en revient à Marie qui est à l'origine de tant de grâces et de sainteté.

(1) Hamon, op. cit. tome VI, p. 168. Voir Beatus Rhenanus "Rer. Germ." II, p. 173.
(2) Ce village de Nogent adopta le nom de son fondateur après sa canonisation.
(3) Migne: Patrologie latine CLXXXVIII, p. 476, Orderic Vital - et Hamon, id. V. 162.
(4) Voir Abbé Brossard "Le miracle des Clefs" et l'appendice: "Marie protège les villes de France contre les envahisseurs et les délivre".
(5) Hamon, op. cit. tome II, pp. 13 et 14.
(6) Saint Léger appartenait à la Famille des ducs d'Alsace. Cette illustre Maison issue saliquement de Mérovée tout comme les Carolingiens et les Capétiens, donna naissance aux Maisons de Lorraine et de Habsbourg et les Rois des seconde et troisième branches de la Maison de France en descendent par Ermengarde, épouse de Lothaire I et par Adélaïde, épouse de Robert le Fort.
Cette famille compte un nombre extraordinaire de personnages canonisés: sainte Sigrade, mère de saint Léger et de saint Warein; sainte Odile et sainte Roswinde, cousines germaines de saint Léger; sainte Attale, sainte Eugénie, sainte Gundelinde, ses cousines issues de Germain, sans compter saint Léon IX, Pape et tous les saints des Maisons de France et de Lorraine, et Lorraine-Habsbourg.
Voir à ce sujet les deux tableaux généalogiques dressés par le savant Cardinal Pitra dans son "Histoire de Saint Léger", p. 420.

vendredi, décembre 29, 2006

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 08 - Chapitre III

La Vierge des DruidesL'Action de Marie dans la Conversion de Clovis et l'établissement de la Royauté Chrétienne

En un tableau magnifique, M. Lecoy de la Marche résume les cinq premiers siècles de notre évangélisation:
"On peut distinguer dans cette nombreuse tribu (des évangélisateurs de notre Pays) trois lignées ou trois générations différentes qui ont eu chacune leur tâche, qui ont chacune leur titre de gloire. La première, c'est celle des disciples, des apôtres et des envoyés de Rome qui, du premier au troisième siècle, ont prêché dans les cités, converti les patriciens, les magistrats, les ouvriers, les esclaves, et fondé, au prix de mille sacrifices, souvent au prix de leur vie nos Eglises diocésaines... Honneur à ces ouvriers de la première heure, qui ont frayé le chemin à la civilisation chrétienne! Sans eux, la cité allait à la barbarie par la corruption, et la cité, nous venons de le voir, était presque tout le monde romain. Mais elle ne pouvait rester tout le monde: un tel privilège eut été par trop contraire à la morale de l'Evangile. En dehors de ses remparts protecteurs, attendait la foule des abandonnés, le long cortège des victimes du fisc et des invasions, toute cette classe agricole, qui n'était rien encore, mais qui allait précisément surgir à la vie, à la prospérité morale et matérielle sous le souffle fécond de l'égalité chrétienne; cette opération, cet enfantement laborieux, dont je viens de démontrer l'urgence, sera l'oeuvre de notre seconde lignée apostolique et ce sera le grand événement social du IVe siècle. Son principal agent sera l'homme dont nous allons étudier l'histoire. Saint Martin donnera à la France ces générations actives, solides, travailleuses, qui, après quinze siècles de labeurs, de décimation, de fléaux de toute espèce, formeront encore la réserve suprême de la grande armée catholique et nationale. Avec un groupe d'évêques, Hilaire de Poitiers, Maximin de Trêves, Simplice d'Autun, etc.... avec ses disciples et ses moines, Brice, Maurille, Victorius, Florent, Patrice et toute la milice religieuse formé à l'école de Marmoutier, il peuplera d'églises, de monastères, de villages, les vastes espaces couverts naguère par l'ombre des forêts sauvages et par l'ombre plus épaisse encore des superstitions druidiques. Il établira des paroisses rurales, indice significatif de l'avènement d'une classe nouvelle; et son apostolat fera descendre la sève du christianisme jusqu'aux plus profondes racines de la nation. Enfin, la troisième lignée c'est celle qui a conquis à la vérité les races barbares (des envahisseurs) de la Gaule: c'est celle des Saint Rémi, des Saint Avit, des Saint Colomban et de leurs courageux émules. On peut dire aussi d'eux qu'ils ont empêché la revanche du paganisme. Ils ont opposé leurs corps à l'ennemi et ils l'ont refoulé. Ils sont venus les derniers: mais ils ont eu l'honneur d'achever et de consolider l'ouvrage de leurs devanciers. Ils ont couronné l'édifice, planté le drapeau sur le faîte. Ils n'ont rien à envier aux autres. Telle a été la part de labeur assignée à chacune de ces légions d'ouvriers évangéliques. Il n'a pas fallu moins pour fonder la nation très chrétienne. Tantae molis erat Gallorum condere gentem!" (1).
Or, ce travail gigantesque de conversion de notre patrie, c'est par Marie qu'il s'accomplit. Evêques, moines convertissent les cités, les défendent contre les barbares, évangélisent les campagnes et les défrichent sous la protection de Marie. C'est d'Elle qu'ils parlent pour prêcher le Christ, c'est à Elle qu'ils élèvent partout des statues, des chapelles, des églises, des cathédrales.
Satan était sorti vaincu des grandes persécutions: sanguis martyrum, semen christianorum. Ayant échoué par la violence, il devait user de la ruse. Les hérésies furent le moyen qu'employa le père du mensonge.
Si les populations étaient devenues chrétiennes, sur tous les trônes d'Orient et d'Occident, les Rois et les grands étaient tombés dans l'arianisme. L'hérésie faisait de tels ravages qu'elle menaçait de submerger complètement l'Eglise et que l'intervention providentielle devenait nécessaire, indispensable pour assurer la pérennité de l'Eglise et la réalisation de la promesse de Jésus à Saint Pierre. Lucifer escomptait déjà son triomphe prochain. Il comptait sans Marie. Une fois de plus, de son pied virginal, Elle allait écraser le serpent. Déjà, Elle avait arrêté par le bras victorieux de Mérovée - bien qu'il fut païen - les invasions païennes et barbares d'Attila aux Champs Catalauniques. Elle allait utilisier de nouveau la race de Mérovée contre les hérésies et la consacrer définitivement pour règner jusqu'à la fin des temps sur notre pays par l'institution de la Royauté très Chrétienne.
Saint Savinien ayant évangélisé le Sénonais, éleva un petit oratoire en l'honneur de Marie à Ferrières et convoqua à cette occasion tous les néophytes. "Un prodige insigne vint confirmer dans la foi ces nouveaux chrétiens. C'était la nuit de Noël, et on allait commencer la Saint Sacrifice lorsque tout à coup une vive lumière remplit le sanctuaire. La Sainte Vierge apparaît, portant l'Enfant Jésus dans ses bras accompagnée de Saint Joseph; et les anges, s'associant à cette glorieuse apparition, entonnent comme autrefois le "Gloria in excelsis". Saisi d'un saint enthousiasme, Savinien s'écrie: "C'est vaiment ici Bethléem". Et depuis lors jusqu'à nos jours, ce nom est toujours resté au sanctuaire." (2).
Lors de l'invasion d'Attila, la chapelle fut incendiée. On la releva peu à peu; elle n'était pas encore achevée quand Clovis y vint en 481, attiré - quoique encore païen - par l'histoire merveilleuse de ce sanctuaire.
"Les ermites qui en étaient les gardiens le reçurent avec le plus grand honneur; et le prince, touché de ce bon accueil, se motra bienveillant envers eux jusqu'à contribuer de sa royale munificense à la reconstruction et à l'embellissement du religieux édifice. D'un autre côté, Clotilde (3) jeune encore, y venait chaque année en pèlerinage et les ermites admirant sa foi et sa piété, osèrent parler à Clovis de la vertueuse et belle chrétienne; ils lui en firent un si grand éloge que le Roi païen voulut la connaître; le regard du fier Sicambre eut bientôt découvert sous le voile de sa modestie, le trésor des douces vertus qui la distinguaient. Il résolut de l'épouser et bientôt la sainteté de Clotilde vint embellir le trône de France." (4).
Ainsi, sous l'inspiration et le regard de Marie, s'ébaucha et fut conclu le mariage de Clovis et de sainte Clotilde, auquel saint Rémi, de son côté, avait travaillé dans toute la mesure où il l'avait pu, parce que, divinement inspiré, ce nouveau Samuel, au nom de Dieu, avait pour mission de choisir délibérément la Race Royale destinée, ainsi qu'il le dit dans son testament, à régner jusqu'à la fin des temps. Et à personnifier la Royauté temporelle de Jésus-Christ. Or son choix s'était porté sur la Race issue de Mérovée.
Grâce à ce mariage, la conversion de Clovis et des Francs devenait possible et la mission divine de la France également; la fondation de la Royauté très Chrétienne n'était plus un rêve et l'Eglise pouvait entrevoir sa future victoire sur les hérésies qui menaçaient de la faire disparaître.
Depuis longtemps déjà, Clovis aimait à s'entretenir avec l'Evêque de Reims et aussi avec sainte Geneviève, dont la foi, la grande vertu et les miracles l'impressionnaient favorablement. Clotilde, dès lors, joignit ses plus ferventes prièrent et ses instances à celles du saint Pontife et de la vierge parisienne et n'allait pas cesser de supplier Marie - à qui elle devait son mariage - de lui accorder la conversion de son royal époux.
A Tolbiac, la Reine est enfin exaucée: accablé sous le nomre de ses ennemis, Clovis invoque le Dieu de Clotilde et promet de se convertir s'il est vainqueur. A peine a-t-il fait ce voeu que les Allemands sont en pleine déroute et qu'il obtient une victoire éclatante.
Fidèle à sa promesse, le Roi s'instruit des vérités de la Foi auprès de Saint Rémi. La cérémonie est fixée au 25 Décembre suivant. Mais, à la veille du grand acte, le Roi, tourmenté par des craintes et troublé, hésite encore; alors, raconte Hincmar, Saint Rémi passe la nuit au pied de l'autel de Marie, et la Reine, au pied de celui de Saint Pierre; ils arrachent au Ciel par leurs prières et leurs larmes le salut du roi et de son peuple. (5)

Reims Cathédrale du SacreSaint Rémi, dans la nuit de Noël 496, à Reims, baptise le roi, ainsi que trois mille Francs et lui confère l'investiture divine du Sacre, consacrant ainsi au nom de Dieu le mariage indissoluble de notre pays avec la Royauté, avec la Race de Clovis. Le roi donne le nom de sa Race à la Gaule qui devient la France - comme l'épouse prend le nom de son époux au jour de ses noces - et la France, à son tour donne son nouveau nom en signe de donation irrévocable à la Famille Royale dont tous les membres, depuis lors, sont de la "Maison de France".
Au cours de la cérémonie - tout comme au baptême du Christ - la voix de Dieu se fait entendre et le Saint-Esprit sous la forme de la colombe, apporte la Sainte Ampoule contenant le Chrème destiné au Sacre de tous nos Rois. Le pontife inspiré tient au Roi un langage prophétique, identique, quant au sens, à celui de Moïse au peuple élu de l'Ancien Testament:
"Apprenez, mon Fils, que le Royaume de France est prédéstiné par Dieu à la défense de l'Eglise Romaine qui est la seule véritable Eglise du Christ.
Ce Royaume sera un jour grand entre tous les Royaumes.
Et il embrassera toutes les limites de l'Empire Romain!
Et il soumettra tous les peuples à son sceptre!
Il durera jusqu'à la fin des temps!
Il sera victorieux et prospère tant qu'il sera fidèle à la foi romaine. Mais il sera rudement châtié toutes les fois qu'il sera infidèle à sa vocation..." (6).
Clovis devient alors le bras de Marie conte l'hérésie. Enflammé du zèle du néophyte, "Il m'ennuie, dira-t-il, après son baptême, de voir les hérétiques posséder les plus belles provinces des Gaules." (7).
Il part en guerre contre eux et, en moins de sept ans, ses victoires de Dijon sur Gondebaud (500) et de Vouillé sur Alaric qu'il tue de sa main (507) détruisent l'hériésie en Gaule, sauvent l'Eglise et lui permettent en même temps de donner à la France ses frontières naturelles: Océan, Manche, Rhin, Alpes, Méditerranée et Pyrénées. Il a combattu, non en conquérant mais en apôtre qui veut gagner des âmes à Jésus-Christ et Jésus constitue "le Saint Royaume de France".
"Et c'est Dieu qui a fait cela, conclut Baronius, pour qu'il fut évident aux yeux de tous que Dieu ne favorisait ainsi la nation des Francs, parmi toutes les autres, que parce que cette nation l'emportait, en effet, sur toutes les autres par sa piété et sa foi catholique et combattait plus ardemment pour la défense de l'Eglise que pour la protection de ses frontières." (8)
Clovis avait eu raison d'écrire en tête de la Loi Salique:
"La nation des Francs, illustre, AYANT DIEU POUR FONDATEUR...
Vive le Christ QUI AIME LES FRANCS!
QU'IL GARDE LEUR ROYAUME ET REMPLISSE LEURS CHEFS DES LUMIÈRES DE SA GRACE!...". (9)
Marie avait été une fois de plus la Porte par laquelle Clovis et les Francs avaient dû passer pour arriver à Jésus-Christ.
La mission de la France commençait. (10).

(1) Lecoy de la Marche: Saint Martin - Livre I, chaptire III, pp. 52 à 54 - chez Mame, 1895.
La tradition rapporte que Saint-Martin étant à Marmoutier, Satan le fit glisser dans l'escalier, lui faisant faire une terrible chute, mais que le Saint vit Marie lui apparaître et le retenir. Telle serait l'origine de N.-D. du Secours de Marmoutier (Hamon - IV. 179).
(2) Hamon. N.-D. de France, t. I p. 352 - voir Dom Morin: Histoire du Gatinais - Dom Ranessant, prieur de Ferrières - Gallia Christiana - le bréviaire de Ferrières, fête de Noël, 6e leçon - la bulle de Grégoire XV et la Charte de Clovis.
(3) Dom Morin p. 765.
(4) Hamon. id. p. 353.
(5) Hincmar "Vita Sti Remigii" - Recueil des Historiens des Gaules et de la France - 1869 - Tome III, p. 376-A.
(6) Migne: Patr. Lat. tome CXXXV, p. 51 et suiv.
Flodoard: Hist. Eccl. Rem. livre I, chap. XIII - Bibl. nat.: A. 112 à 329.
(7) Migne: id. tome LXXII, p. 706.
(8) Baronius: Annales Ecclesiast.
(9) Traduction de l'Abbé Lemann d'après les "Leges Salicae illus tratae" de Godefroid Wandelin (Anvers 1649).
(10) Pour tous les documents cités dans ce chapitre et pour avoir une idée suffisante des multiples miracles accordés par Dieu en faveur de Clovis et de nos Rois: guérison miraculeuse des écrouelles armes de France, etc... voir notre étude: "La Mission Divine de la France".

samedi, décembre 23, 2006

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 07 - Chapitre II

Marie envoie les Amis de dilection de son Fils évangéliser la Gaule

"Les premiers témoignages de la munificence de Marie envers notre pays... sont antérieurs à la Royauté française puisqu'ils remontent à l'ère évangélique. Ne pouvant venir Elle-même, Elle se hâta d'envoyer des apôtres à nos aïeux pour leur annoncer l'arrivée de l'heure de la Rédemption, si ardemment attendue, et les initier à son amour en même temps qu'à celui de Jésus, leur députait les plus éminents et les plus chers disciples du Sauveur, tous les membres de la famille privilégiée de Béthanie, où elle avait, ainsi que son divin Fils, reçu la plus aimable et la plus respectueuse hospitalité; Lazare sur la tombe duquel il avait pleuré au moment même où, pour l'arracher des bras de la mort, il allait trahir sa divinité en opérant le plus saisissant de tous ses miracles" (1). Lazare, préfiguration de la résurrection de la France, Marthe et Madeleine; Madeleine, la grande pécheresse, mais l'âme au grand repentir et au grand amour qui est à l'avance l'image de notre France pécheresse d'aujourd'hui, repentante et amoureuse de demain.
A ses plus tendres amis, elle adjoint sa propre famille: Marie Jacobé, mère de Saint Jacque le Majeur et de Saint Jean l'Evangéliste, le bien-aimé qui reposa sur le coeur de Jésus; et Marie Salomé, deux fervents disciples: Maximin et Sidoine, l'aveugle guéri par Notre Seigneur, lui aussi préfiguration de l'aveuglement de notre pays et de son retour miraculeux à la lumière de la foi; enfin Sara et Marcelle, les fidèles servantes des Saintes Femmes.
A ce moment, la haine du peuple déicide, voulant faire disparaître les témoins les plus gênants de la vie et des miracles de Jésus, servit les desseins de Dieu et de Marie:
"Les mettre à mort eut été trop compromettant. On se contenta de les embarquer sur un petit navire sans voile, sans rame, sans pilote, sans provisions de bouche, et de les exposer ainsi, soit à un naufrage certain, soit à la mort angoissante de la faim." (2).
Mais les Juifs comptaient sans la Vierge:
"Marie, la douce étoile des mers, les guida, les fit aborder sur les rives de la France, où ils élevèrent de suite un autel à Jésus-Christ, sous le nom et l'invocation de sa sainte Mère, de la Vierge encore vivante "VIRGINI VIVENTI". (3)
C'est là (4) que va être plantée la première croix, là que va être célébrée la première messe sur la terre des Gaules. C'est de là que va partir l'étincelle qui portera la lumière de l'Evangile à la Provence (les deux Narbonnaises) d'abord, ensuit au reste de la France...
En même temps, jaillit miraculeusement une source d'eau douce comme pour inviter les Saintes Maries à fixer leur demeure en ce lieu.
Les saintes proscrites se séparèrent bientôt, après avoir construit et dédié à la Mère de Dieu un modeste oratoire, qui fut probablement le premier temple chrétien élevé sur la terre des Gaules. Sainte Marthe va évangéliser la région de Tarascon et Avignon. Lazare, Marie-Madeleine, Maximin et Sidoine prennent la route de Marseille...
De Marseille, Maximin et Sidoine montent à Aix, où ils établissent le siège épiscopal qu'ils occupent l'un après l'autre. Madeleine reste quelques temps à Marseille avec son frère Lazare, qui devient le premier Evêque de cette ville et qui y meurt martyr. Elle va ensuite rejoindre Maximin et Sidoine, dont elle partage l'apostolat, puis elle se retire au désert où elle vit les trente dernières années de sa vie dans une grotte connue depuis sous le nom de Sainte Baume.
Quant à Marie Jacobé et Marie Salomé, elles fixèrent leur résidence, avec Sara leur servante à côté du petit oratoire (5)", et convertirent les pêcheurs des bords de la mer, les bergers et les cultivateurs de la Camargue. C'est là qu'elles moururent et furent enterrées.
Il y a lieu de souligner, que l'arrivée en Gaule des plus tendres amis et de la propre Famille de Marie et de Son Divin Fils eut lieu le 2 Février de l'an 43, au début même de cette année qui allait voir le Prince et le Chef des Apôtres, Saint-Pierre, s'installer à Rome; comme si Dieu avait voulu marquer nettement, dès l'origine, le lien indissoluble qui unit la France à l'Eglise et motrer ainsi qu'elles doivent, dans la suite des Ages, être toujours unies dans la douleur comme dans les triomphes et jouir toutes deux de la perennité promise par le Christ à l'Eglise et qu'un pape assura à la France parce qu'elle était le Royume de Marie.
Là ne s'arrêtèrent pas les tendresses de Marie pour notre patrie:
Une tradition de l'Eglise de Rennes, confirmée par Saint-Epiphane au Ve siècle (Haer-51), assure que Saint Luc, si bien nommé l'évangéliste de la Sainte Vierge, traversa toute la Gaule méridionale et précha aux environs de Rennes.
"Après l'Assomption dans les demeures célestes de la très Sainte Mère du Sauveur, écrit Robert de Torigny abbé du Mont-Saint-Michel, Amadour averti par Elle passa dans les Gaules" (6) avec son épouse Véronique. Tous deux avaient été "au service de Marie et de Jésus, service tout d'amour et de désintéressement.
Véronique n'est autre à la fois que l'hémorrhoïsse qui fut guérie par l'attouchement de la robe de Jésus et la femme généreuse de la VIe station du chemin de la Croix qui fut récompensée de son courage et de sa charité par l'impression sur son voile de l'auguste Face du Seigneur." (7).
Après avoir aidé Saint Martial dans son apostolat, Véronique (8) mourut à Soulac auprès d'une chapelle dédiée à Notre Dame. Après sa mort, Amadour vint en Quercy où il éleva un oratoire consacré par Saint Martial à la Mère de Dieu. Il y fut enterré et donna son nom à l'un des plus célèbres pèlerinages français de la Vierge. Rocamadour.
Marie trouve qu'Elle n'avait pas encore assez fait: A son lit de mort, se trouvait Saint Denys de l'Aréopage, à ce moment Evêque d'Athènes; Elle l'envoya en Gaule et lui donna sa suprême bénédiction pour le pays qu'il allait évangéliser.
Il vint à Rome. "Quel spectacle, écrit le chanoine Vidieu, l'illustre Denys se prosterne lui-même devant le "docteur des docteurs".
Saint Clément qui vient d'envoyer Julien à Evreux et Claire à Nantes, donne pleins pouvoirs à Denys pour toute la Gaule. L'Aréopagite visite les églises qu'il traverse et arrive à Lutèce. Il s'y installe et y érige un oratoire sous le vocable de Notre Dame des Champs. Il inculque à ses disciples l'amour de Jésus et de Marie et les envoie évangéliser tout le nord de la Loire (9) fonde le premier monastère près d'Evreux, va encourager les efforts de touts, passe en Espagne puis revient à Paris recevoir la couronne du martyre, à Montmartre (le mont des Martyrs) sur cette colline où a été élevée la basilique du Sacré-Coeur.
Son sang sera le batpême de la future capitale de la France (10).
Enfin, pour mettre le comble à ses tendresses, Marie voulut confier à notre sol le corps de sainte Anne, sa mère bien-aimée, et le remit aux Saintes Maries lors de leur départ de Palestine. A leur arrivée en Gaule, saint Auspice en devint le gardien et emmena l'insigne relique - précieuse entre toutes - à Apt, où avant son martyre, il la cacha dans un souterrrain, découvert par Charlemagne à Pâque 792. (11).
Ainsi, non seulement le Christ et Marie envoyèrent à notre pays les membres de leur famille et leurs amis les plus chers pour l'évangéliser et lui porter le meilleur de leur coeur; mais pour consacrer le culte dû aux morts, Ils voulurent que le corps de Sainte Anne y reposât, confiant ainsi à notre terre de France - comme étant la plus digne de le recevoir - ce qu'Ils avaient de plus cher au monde dans leurs affections intimes, le corps de la Mère de la Très Sainte Vierge, afin que ces restes sacrés fussent entourés du respect et de la vénération du peuple qui était le plus capable de les remplacer dans l'accomplissement de ce devoir, et qu'Ils avaient élu pour être leur Royaume de prédilection.
Quel pays compta à lui seul tant de faveurs divines et mariales à l'origine de son évangélisation? Aucun. "O miséricordieuses délicatesses de la Providence, s'écrie Monseigneur Rumeau. C'est ainsi que le Ciel préludait à la mission de la France et posait les bases de sa prédestination." (12).

(1) Abbé Duhaut - Marie protectrice de la France, p. 24.
(2) Chanoine Chapelle - Les Saintes Maries de la Mer, p. 29.
(3) Abbé Duhaut - op. cit. p. 25. Un morceau de cet autel est conservé à Arles.
(4) Aux Saintes Maries de la Mer, dans la Camargue, en Provence.
(5) Chanoine Chapelle - op. cit., pp. 30 à 33.
(6) Chanoine Albe - N.-D. de Rocamadour, p. 32.
(7) Chanoine Albe, p. 34. - Voir également les Acta Sanctorum des Bollandistes. - Véronique était gauloise, originaire de Bazas; quant à Amadour une Bulle de Martin V en 1427 et la tradition disent qu'il n'était autre que le publicain Zachée, le converti de Jéricho.
(8) La Primatiale de Bordeaux conserve des reliques de la Sainte Vierge apportées, dit la tradition, par Saint Martial et Sainte Véronique. - Voir chanoine Lopez: L'Eglise Métropolitaine Saint-André de Bordeaux - Hamon: op. cit. p. 6.
(9) Lucien à Beauvais, Sanctin à Meaux puis à Verdun, Yon à Monthéry, Chiron à Chartres, Taurin à Evreux, Nicaise à Rouen, etc...
(10) Le chanoine Vidieu dans son important ouvrage sur "Saint Denys l'Aréopagite, patron de la France" a victorieusement refuté tous le détracteurs de nos origines religieuses et prouve que l'Aréopagite fut bien le premier évêque de Paris (pp. 30 à 67). L'apostolicité des Eglises des Gaules est certaine: "Saint Paul, après avoir échappé aux fers de Néron, était allé jeter les bases de l'organisation de nos églises, établissant Trophime à Arles, Paul à Narbonne, Crescent à Vienne, Pierre avait envoyé Austremoine chez les Arvernes, Ursin chez les Bituriges, Savinien et Potentien à Sens, Memmius à Châlons, Sinice à Soissons, Sixte à Reims, Clément à Metz, Euchaire et Valère à Trèves. A cette mission se rattachent entre autres les prédications de saint Front à Périgueux, de Saint Georges au Velay, de saint Eutrope à Orange et de saint Altin à Orléans" (id. p. 188) sans oublier saint Martial à Limoges et saint Saturnin à Toulouse auxquels il y a lieu d'ajourter, Maximius à Rennes, un disciple de St Philippe et de St Luc, qui dédia le temple de Thétis à la Sainte Vierge, et un disciple de Joseph d'Arimathie, qui ensevelit Notre-Seigneur, Dremulus, près de Lannion qui fonda sous le vocable de Marie, la première église de la contrée qui devint le pèlerinage de N.-D. de Kozgeodek.
Un auteur ancien Papirius Masso dans sa "Notitia episcopatum Galliae" compte dix-neuf églises fondées en France par les envoyés immédiats des apôtres.
Il est peu d'événements de notre Histoire auxquels le souvenir de saint Denys ne soit mêlé. Rappelons notamment que sainte Geneviève fit construire une église en son honneur, que Dagobert fonda la célèbre abbaye où sont enterrés tous nos Rois et où furent sacré Pépin et couronnées plusieurs Reines de France; que "les reliques de saint Denys attachent la victoire au drapeau de la France et sont pour l'Etat un gage de prospérité et de grandeur", et que notre Jeanne d'Arc tint à y déposer son armure.
(11) L'authenticité du corps de sainte Anne est reconnue et affirmée par plusieurs Bulles Pontificales, notamment par celles d'Adrien, de Benôit XII et de Clément VII. Ce dernier recommanda par Lettre du 30 Octobre 1533 la restaurantion de l'Eglise Sainte Anne d'Apt "où reposent les corps de plusieurs saints et notamment celui de sainte Anne Mère de la glorieuse Vierge Marie". Les saints dont il s'agit sont: saint Auspice, saint Castor, Sainte Marguerite, saint Elzéar de Sabran et sainte Dauphine de Signe son épouse. Le souterrain, qui conserva pendant plus de sept siècles le corps de sainte Anne, est la seconde crypte de la basilique actuelle.
La Reine Anne d'Autriche envoya à Apt une solennelle députation en pèlerinage pour obtenir un héritier pour la couronne. Elle y vint elle-même en pèlerinage avec une suite nombreuse, ordonna huit mille livres pour construire une chapelle plus digne des précieuses reliques, une statue de sainte Anne en or et différents objets ornés de pierres préciesuses. Ajoutons que les actes pontificaux relatent de très nombreux miracles.
Le culte de sainte Anne est très répandu en France, notamment en Bretagne où le pèlerinage de sainte Anne d'Auray est célèbre. Il complète très logiquement celui de la Vierge Immaculée.
(12) Le livre d'or de Notre-Dame des Miracles - Rennes - 1925 - Discours de Monseigneur Rumeau, Evêque d'Angers, le 25 Mars 1908 lors du couronnement de notre Dame des Miracles, p. 41.

vendredi, décembre 22, 2006

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 06 - Chapitre I

Le culte de "la Vierge qui doit enfanter" prépare les âmes de nos pères à la vérité religieuse

"Ecce Virgo concipiet, et parient Filium" (Isaïe - VII, 14). Une Vierge concevra et enfantera un Fils, l'Emmanuel... Cette prophétie d'Isaïe était connue un peu partout dans le monde païen (1). Cela s'explique facilement par le fait que tous les peuples ont conservé et se sont transmis verbalement des échos de la tradition primitive, reçue de Dieu par nos Premiers Parents et par les Patriarches, et jamais complètement effacée par l'idolâtrie, et aussi parce qu'après la dispersion des Juifs, leurs livres saints furent connus peu à peu, partout où ils allèrent. Mais, alors que la plupart du temps, les peuples méprisaient ces prophéties ou les traitaient de fictions poétiques, le Peuple Gaulois, lui, conservait cette antique tradition avec une foi et une piété profondes. La Providence permit en effet que les druides lui inculquassent ce culte ainsi que quelques autres croyances et rites qui devaient favoriser l'établissement du Christianisme en Gaule tels que: l'immortalité de lâme; son châtiment ou sa récompense dans l'autre vie suivant ses fautes ou ses mérites.
Ils croyaient que le sacrifice humain était nécessaire pour racheter les crimes des hommes et apaiser la juste colère divine, et il y avait bien une part de vérité puisque l'humanité n'a été rachetée que par le Sang du Juste. La polygamie était interdite et la fidélité conjugale était de règle. Enfin, leur rite obligeait les druides à cueillir le "selago", la plante sacrée, pieds nus, les mains lavées et après avoir sacrifié avec du pain et du vin - espèce de préfiguration du Sacrifice Eucharistique. Alors que, chez les Romains, le polythéisme dégradait les individus et que les divinités elle-mêmes protégaient tous les vices et y incitaient parfois, le culte druidique - à côté d'eurreurs grossières et cruelles - inspirait aux Gaulois de nobles passions et forgeait en eux un caractère ardent, généreux, courageux et fidèle.
Le grand centre religieux de la Gaule était la forêt de Chartres.
"Or, précisément, la colline où a été depuis bâtie la cathédrale était alors un bois sacré: et au milieu de ce bois se trouvait une vaste grotte qu'éclairait à peine un jour sombre... Là, dit la tradition, en présence de toutes les notabilités de la nation convoqueées, la centième année avant la naissance de Jésus-Christ, les druides élevèrent un autel à la Vierge qui devait lui donner le jour, gravèrent sur cet autel l'inscription devenue depuis si célèbre: VIRGINI PARITURAE, à la Vierge qui doit enfanter; et Priscus, roi des Chartres, touché du discours prononcé en cette occasion par leur grand pontife, "plein de confiance en ses promesses, consacra solennellement, davant toute l'assemblée, son royaume à cette Reine future qui davait enfanter le Désiré des Nations. Les assistants, émus de telles paroles, se consacrèrent eux-mêmes à cette Vierge privilégiée; dès lors, ils conçurent les sentiments de la plus tendre vénératon... (2)".
On a trouvé également des vestiges de ce culte de la Vierge qui devait enfanter le Sauveur du monde à Nogent-sous-Coucy (3), à Longpont et jusqu'à Lyon (4).
Il est en notre France une terre sacrée "bénie par une prédestination qui se perd dans les secrets de l'éternité" où bien avant Longpont, bien avant Chartres, la Vierge qui davait enfanter aurait fait éclater sa puissance: Paray-le-Monial, la terre d'élection du Sacré-Coeur.
"Six cents ans après le déluge - si l'on en croit la Tradition - une formidable incendie relaté d'ailleurs par Diodore de Sicile, ravagea l'Ibérie et la Celtique. Epouvantés les populations du Val d'Or implorèrent, dit-on, la Vierge qui davait enfanter et promirent de lui élever "une pierre de témoignage". Le Val d'Or fut épargné et ce serait dans cette pierre de témoignage que, bien des siècles plus tard l'image de Notre-Dame de Romay aurait été taillée." (5).
"Toujours est-il que le culte de la Vierge Marie est né à Paray depuis des siècles et qu'autour de l'antique Madone les miracles se sont multipliés: guérisons, résurrections des corps et des âmes. Les générations chrétiennes devaient... être conduites au Fils par la Mère: ad Jesum per Mariam." (6).
Ansi, bien avant la naissance de Marie, notre terre de France était le centre d'un culte en son honneur et, par avance, lui était consacrée, comme si Dieu avait voulu choisir et préparer un Royaume privilégié ici-bas pour la Reine du Ciel.
Après la conquête romaine, l'Empereur Claude voulut supprimer le druidisme et imposer aux Gaulois les dieux romains. Ce fut une autre permission de la Providence afin de "favoriser sur leur territoire l'établissement d'une religion nouvelle qui, tout en s'harmonisant mieux sous certains rapports avec la leur, proscrivait absolument le polythéisme hybride de leurs maîtres (7).
Aussi, quand les premiers disciples du Christ arrivèrent en Gaule pour y porter la "bonne nouvelle", trouvèrent-ils le terrain des âmes tout préparé pour recevoir la bonne semance. Ils s'appuyèrent sur le culte de la VIRGINIS PARITURAE et annoncèrent qu'Elle vivait et avait mis au monde le Sauveur Christ qu'ils venaient prêcher.
"C'est Marie qui a présidé à l'éclosion de notre nationalité, disait le Cardinal Donnet. De même que par Elle le Christ avait fait son entrés dans le monde, de même aussi, la religion du Christ pénétra par Elle dans notre pays."

(1) Voir: Suetone - Vita Vespasiani c. II. - Tacite - Hist. Lib. V. - Virgile - Eglogue IV, prédiction attribuée à la Sibylle de Cumes. Consulter sur ce point: Aug. Nicolas - La Vierge Marie vivant dans l'Eglise. - Hamon - Notre-Dame de France, tome I, p. 183.
(2) Hamon: op. cit. tome I, pp. 190-191.
(3) Guibert, Abbé de Nogent - Vita sua - lib. II, c. I.
(4) I. Hirchenbach: Die heiligen catholischen Gnaden- und Wallfahrsorte - 1883. - Il semble que ce culte était en honneur à Longpont avant qu'il ne le fut à Chartres.
(5) Bulletin de l'Archicenfrérie de N.-D. de Pellevoisin: "Terre Mariale", par A.-M. - N° Mais-juin 1938.
(6) Vie de la "Mère Marie de Jésus, fondactrice et Prieure du Carmel de Paray-le-Monial" - par une Carmélite, Monastère de Paray, 1921, pages 234 et 235.
(7) Hénault - Recherches historiques sur la fondation de l'Eglise de Chartres - p. 26.

jeudi, décembre 21, 2006

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 05 - Avant-Propos

Regina Galliae, Reine de la FranceL'extrême gravité de l'heure présente, les terribles menaces qui pèsent sur notre Pays - tant à l'intérieur qu'à l'extérieur - font penser à beaucoup que la situation est sans remède, désespérée, que notre France court à l'abîme et ne se relèvera plus; la lassitude, le découragement, l'écoeurement s'emparent même des meilleurs.
Aussi - à l'occasion de cette Année Jubilaire Mariale qui a attiré l'attention de tous sur les maternelles bontés de la Reine du Ciel à l'égard de notre Patrie et leur a rappelé que notre Pays demeure à jamais - en dépit de tout - le Royaume par excellence de Marie, grâce à la consécration du Roi Louis XIII, - avons-nous pensé que rien ne serait plus capable d'affermir la foi chancelante des uns, de redonner courage et confiance aux autres, que de retracer l'Histoire Mariale de la France. Cette Histoire prouve que rien de grand ne s'est fait sans Marie, qu'Elle a été l'Inspiratrice des plus nobles actions et des plus sublîmes inspirations, que nous Lui devons nos plus beaux triomphes, que durant l'épreuve Elle a soutenu notre Pays, qu'aux heures des catastrophes - alors que tout humainement était irrémédiablement perdu, - Médiatrice Toute Puissante, Elle a arraché le salut miraculeux de Son Royaume à la justice de Dieu; qu'enfin, la grande leçon qui se dégage des faits est que notre amour et notre reconnaissance doivent être sans borne et notre confiance totale, en un mot que l'indicible amour du Couer Immaculé de Marie pour la France et pour ses Rois doit nous inspirer la CERTITUDE des très prochaines résurrections.

15 Aout 1938.
Tricentenaire de la Consécration de la France à Marie.

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 04 - Evêque de Maurienne

Lettre de S. Exc. Monseigneur Grumel, Evêque de Maurienne

Evêché de Maurienne - 25 Mars 1939, En la fête de l'Annonciation

L'Evêque de Maurienne
remercie vivement Monsieur de la Franquerie, du témoignage de confiance qu'il veut bien lui donner. Il a parcouru ce travail considérable et l'a fait examiner de plus près à son Grand Séminaire, sans évidemment, qu'on ait pu l'éplucher et voir dans les détails, suffisamment cependant pour que, sans authentifier tous les faits rapportés et les légendes qui pour être respectables, peuvent prêter à critique, pour que dis-je, on voie dans ce travail considérable, un vrai et noble et très beau monument élevé à la gloire de Marie et de son Royaume, la France! On reste stupéfait devant l'accumulation de faits, citations, références que l'on y peut trouver.
Le Cardinal Baudrillart parlera avec l'autorité du grand Historien qu'il est, l'humble et petit évêque des montagnes ne peut vous envoyer que ce qu'il a, c'est un merci ému de piété mariale, à qui a fait si bon travail sur notre Mère du Ciel, la Reine de France.

Auguste Grumel, Evêque de Maurienne

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 03 - Evêque d'Annecy

Lettre de S. Exc. Monseigneur de la Villerabel, Evêque d'Annecy

Annecy, le 19 Mars 1939

Cher Monsieur,
Je suis très touché de l'aimable pensée que vous avez eue de me soumettre les bonnes feuilles du nouvel et important ouvrage que votre piété mariale a voulu consacrer à l'honneur de la Très Sainte Vierge, à l'occasion du troisième centenaire du Voeu de Louis XIII.
J'ai lu ces pages avec autant d'édification que d'intérêt. J'ajoute qu'elles m'ont laissé une profonde impression de réconfort, qui sera partagé par tous vos lecteurs!
Certes la Vierge Marie, Mère de Dieu, Reine de l'univers, étend sa protection sur le monde entier. Il n'est pas un pays où Elle n'ait, au cours des siècles, manifesté sa puissance et sa bonté. Voilà pourquoi tous les peuples de la terre peuvent à bon droit faire monter vers Elle l'hymne de louange et de gratitude qui Lui est dû.
Mais nous sommes, nous, Français, des privilégiés sous ce rapport. La Vierge s'est tant de fois, et de tant de manières si touchantes, montrée "notre Mère", toujours attentive à écarter de nous les dangers menaçants, à guérir nos maux, à nous prodiguer les conseils opportuns, à nous procurer les secours nécessaires! Sans fortanterie et sans faux orgueil, nous pouvons, en toute vérité, reprendre dans ce sens, pour nous, la parole que le Roi Prophète disait des merveilleuses protections dont le Seigneur avait comblé son peuple d'Israël: "Non fecit taliter omni nationi!" Non, vraiment, la Très Sainte Vierge n'a fait pour aucun peuple ce qu'Elle a fait pour nous... La France est bien son Royaume, et, Elle, Elle en est bien la Souveraine!
C'est ce qu'avec preuves à l'appui et un luxe d'érudition - qui montre d'ailleurs que l'Histoire de notre Pays n'a pour vous aucun secret - vous établissez dans ce nouvel ouvrage. Siècle par siècle, vous déroulez la longue suite de notre Histoire nationale et cette Histoire est remplie des maternelles initerventions de la Vierge tutélaire! Dès les plus lointaines origines, vous en montrez l'interminable série. Quelle consolante évocation! Marie veille donc sur son Royaume de France avec un zèle que rien ne rebute! Elle nous protège maintenant, comme elle protègea sans cesse nos aïeux. Soyez remercié mille fois de nous le rappeler, aux heures graves que nous vivons!
Puissent ces pages - catholiques et françaises - développer encore cette ardente dévotion envers Marie qui caractérisa la piété des générations qui nous ont précédés dans "son Royaume de France"! En les écrivant vous aurez largement contribué à cet heureux résultat. - Je vous en félicite de grand coeur, cher Monsieur, en vous priant d'agréer l'expression de mes sentiments tout dévoués en Notre-Seigneur et Notre-Dame.

+ Florent du Bois de la Villerabel, Evêque d'Annecy.

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 02 - Evêque de Chartres

Lettre de S. Exc. Monseigneur Harscouët, Evêque de Chartres, Président des Congrès Marials Nationaux

Evêché de Chartres - Chartres, le 17 Mars 1939.

Monsieur,
Vous désirez que le Président du Comité National des Congrès Marials français paraisse en tête d'un ouvrage destiné à glorifier la Très Sainte Vierge Marie Reine de France. Il s'en trouve tout spécialement honoré et il est heureux d'avoir cette occasion de prendre part au concert de louanges que vous faites entendre en l'honneur de Notre-Dame et de vous féliciter d'une oeuvre aussi importante et aussi opportune.
Vous voulez, dites-vous, continuer le rayonnement du Jubilé Marial et en assurer les bienfaits. Pour cela vous avez fait une somme des souvenirs précieux et glorieux pour notre Pays de France. On ne peut qu'être frappé, en vous lisant, du nombre incalculable des bienfaits de Marie pour nous, ses fils privilégiés. Mon rôle n'est pas d'examiner en détail cette histoire que vous exposez dès les origines parfois légendaires, mais il ressort de tant de traditions amassées par la piété de nos ancêtres un grand désir de reconnaissance, ce qui fait de nous des âmes bien nées, et partant, une grande résolution de répondre coûte que coûte à tant de prévenances de la part de notre Mère du Ciel.
Travail considérable que le vôtre, piété communicative qui entraîne la confiance. Confiance en Marie, confiance dans les destinées de la France.
Que tous en vous lisant, Monsieur, aient le ferme propos de se montrer digne d'un tel passé. Ce sera votre meilleure récompense. En nous montrant mieux que jamais Notre-Dame comme notre Patronne vous aurez bien travaillé vous-même pour le salut de notre cher Pays. Soyez en remercié et béni.

+ Raoul, Evêque de Chartres.

mercredi, décembre 20, 2006

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 01 - Préface

Marquis de la Franquerie, Camérier secret de Sa Sainteté Pie XII, Lauréat de l'Académie Française - Ouvrage couronné par l'Académie Française - Préface de S.E. le Cardinal Baudrillart de l'Académie Française - Chez l'Auteur: Chateau de la Tourre, par Condom (Gers). Nihil obstat Auxis die II Martii 1939. L. Soubiran, Censor deputatus. Imprimatur Auxis die II Martii 1939, Clergeac, v.g.
Déclaration de l'Auteur:
S'il nous est arrivé de nous servir de l'épithète de saint ou de martyr et si nous avons rapporté certains faits d'ordre surnaturel, conformément aux Saints Canons, nous déclarons n'entendre en rien préjuger du jugement de l'Eglise auquel nous nous soumettons d'avance entièrement.

PRÉFACE

L'Année 1938, qui vit le troisième centenaire du voeu de Louis XIII et de la consécration officielle de la France à Marie, vit aussi éclore à ce propos toute une littérature mariale, d'ordre historique et mystique. On rapprochait, on assimilait les circonstances politiques et sociales des deux époques. On représentait la paix extérieure et civile également menacées à trois siècles de distance, et les prières exaucées de 1638 donnaient force et confiance à celles de 1938. La bibliographie de ces écrits serait trop longue à détailler. Qu'on me permette cependant de mentionner deux ouvrages auxquels, avec un empressement particulier, j'ai consacré quelques pages de préface.
L'un, livre posthume du grand écrivain catholique, Edmond July, que la compagne de sa vie, si dévouée à sa mémoire et au règne de Marie, a voulu faire paraître à l'aube de cette année jubilaire. Il porte un tritre tout frémissant, en ces temps affligés qui sont les nôtres, du désir et de la soif des hommes: Notre-Dame de Bonheur. Et déjà, autour de cette appellation, de cette invocation, se groupent des âmes avides de demander au Ciel ce que la terre, de plus en plus, leur refuse.
Le second de ces ouvrages: Notre-Dame des Victoires et le voeu de Louis XIII a pour auteur M. l'Abbé Louis Blond qui d'après des documents originaux, a étudié en historien, en prêtre, en "chapelain" le rôle de l'illustre basilique et du couvent des Augustins déchaussés, dits Petits-Pères, dans les origines de ce voeu.
Et voici qu'on me demande, - au risque que je me répète, une troisième introduction. Voici que s'ajoute une dernière gemme, - et non des moins billantes, - à celles dont la France catholique vient à nouveau de couronner Marie.
Cet ouvrage s'intitule: La Vierge Marie dans l'Histoire de France, et a pour auteur M. André de la Franquerie, le même historien mystique à qui nous devons déjà: La Mission divine de la France.
Historien mystique, je dis bien, soit que l'on prenne ce mot de mysticisme dans son sens proprement théologique, ou dans ce sens vague que lui donnent aujourd'hui certains écrivains et penseurs; n'entend-on pas, par exemple, parler à tout propos de mystique communiste? Au fond, la seule distinction qui compte, c'est celle qui se fait entre matérialisme et spiritualisme. Toute science peut être envisagée, enseignée sous ces deux aspects. La mystique communiste, toute mystique qu'elle se dise, comporte une conception de l'histoire uniquement matérialiste, limitée au seul point de vue économique, bassement économique, aux seuls besoins charnels, commandant toute la marche des événements. Non, l'histoire de l'humanité n'est pas exclusivement celle de ses entrailles, celle de sa faim, celle de sa soif, l'histoire de ses instincts matériels, plus ou moins intempérants ou déchaînés.
En face d'une telle doctrine, M. de la Franquerie représente celle du spiritualisme, non pas seulement du spiritualisme rationnel qui a certes droit de cité, mais d'un spiritualisme complet, intégral qui aboutit au surnaturel.
Au milieu du siècle dernier, dans son ouvrage intitulé: M. le Prince Albert de Broglie, historien de l'Eglise, l'illustre Dom Guéranger, après avoir fait justice des tendances naturalistes de l'époque, s'élève aussi contre une certaine école déiste, contre ceux qui, croyant à une cause première, croyant en Dieu, se refusent cependant à reconnaître, dans le cours des événements, les miracles de sa main.
Et il en vient à l'explication chrétienne qui, assurément, ne crie pas sans cesse et à tout propos au miracle, mais affirme que, dans le gouvernement ordinaire du monde, Dieu procède presque uniquement par le moyen des causes secondes, se laissant deviner plutôt qu'apercevoir et faisant parfois irruption, selon la magnifique expression de l'auteur, par un de ces divins coups d'état qui manifestent ses volontés, non seulement à la génération témoin de la crise, mais à celles qui doivent suivre.
Si quelqu'un, animé d'une foi ardente, sait reconnaître dans l'histoire ces divins coups d'état, c'est assurément M. de la Franquerie. Il faut même dire davantage. Ce livre, La Vierge Marie dans l'histoire de France, ce n'est en somme que l'histoire de ces coups d'état per Mariam, dans notre pays. Ce sont, répondant à la piété, à l'amour du peuple français et de ses rois, les interventions multipliées de la Vierge pour notre salut. Tel est l'unique sujet du livre, dépouillé de toutes contingences environnantes, de tous événements intercalaires. Il s'ensuit une atmosphère qui peut paraître sursaturée de surnaturel et comme un peu difficile à respirer pour certains chrétiens, lesquels, bon gré mal gré, appartiennent à une époque qui a inventé, - qu'on me permette ce symbole, - le poumon d'acier.
Mais les interprétations de l'auteur n'ont-elles pas trop souvent recours au miracle? Ne nous donne-t-il pas dans ces pages quelque légende dorée de Notre-Dame de France?
Assurément, M. de la Franquerie est un grand croyant, un croyant fervent, l'esprit toujours tourné vers l'explication la plus surnaturelle. C'est une de ces âmes essentiellement reconnaissantes qui reçoivent tous bienfaits et tous bonheurs de la main de Dieu. Il n'est point de ceux dont on peut dire: oculos habent et non videbunt; aures habent et non audient. On tourne les pages, on s'étonne, on se demande: est-ce possible? Et puis le regard descend au bas de ces pages, vers d'abondantes références, vers des lectures innombrables, vers les sources, vers une érudition de première main. Tout est appuyé, étayé. Versé dans la connaissance des sciences juridiques, de ces sciences politiques, de ces sciences auxiliaires de l'istoire, art, archéologie, épigraphie qu'enseigne l'Ecole du Louvre, héritier au surplus d'une tradition savante et littéraire, - son grand-père ne fut-il pas l'un des fondateurs de la Société de l'Histoire du Vieux Paris et de l'Ile de France? - M. de la Franquerie est d'abord un historien soumit aux documents. Pouvons-nous, sans trop de fantaisie de langage, affirmer que ses envolées comportent vraiement ce qu'on appelle en style aéronautique, une base aérienne?

A côté des faveurs célestes prodiguées à notre pays et dont la somme ainsi présentée ne laisse pas que de nous éblouir, quelque chose encore surprend dans ce récit.
Faut-il le dire, quitte à être désavoués par ceretains contempteurs excessifs de la nature et du coeur humain, lesquels veulent qu'il ne soit jamais parlé à l'homme que de ses fautes, que de ses insuffisances pour l'enfoncer dans toujours plus d'humilité ou même de honte? L'homme, chargé de tant d'hérédités dès sa naissance, a besoin aussi d'être relevé, soutenu, par des bras qui se tendent; il a besoin de réconfort, d'approbation, - sans qu'il soit porté atteinte pour cela à la doctrine catholique du "mérite" humain. On peut, en tout cas, se permettre vis à vis de la collectivité une louange, voire une admiration qui, s'adressant à tous, ne comporte pour chacun, que le bienfait de l'encouragement, sans risque d'infatuation personnelle. Exaltez les vertus communes d'un peuple, vous avez toutes chances de faire monter jusqu'à elles celles de l'individu.
Cela pour en arriver à dire que nous devons aussi à M. de la Franquerie un étonnant tableau, à travers les âges, un éclatant et merveilleux bouquet des vertus religieuses et de la piété mariale en France. Admirable foi que celle de notre peuple et non moins admirable la façon dont il la sut traduire! C'est le flux et le reflux incessant, un mouvement entraînant l'autre, de la nation qui invoque et du Ciel qui exauce. Vision d'espérance pour le présent et pour l'avenir, celle d'une telle piété imprégnant à ce point la vie publique et privée de nos ancêtres! Nous nous sentons avec ce passé d'indestructibles attaches; nous devinons partout dans notre sol, en dépit de tant de ravages, comme un réseau serré et continu de profondes racines, toujours prêtes à reverdir. Plus encore; malgré tant de divergences individuelles, nous nous sentons toujours unis, toujours communiquant entre nous par ces racines. Voulut-il nous montrer autre chose l'Eminentissime Cardinal Pacelli lorsque, le 13 Juillet, prononçant à Notre-Dame de Paris son sublime discours sur la Vocation chrétienne en France, il désigne comme des astres à notre ciel, comme une relève ininterrompue à travers notre histoire, quelques-uns de nos plus grands saints: Rémi, Martin de Tours, Césaire d'Arles, saint Louis, Bernard de Clairvaux, François de Sales, Benoît-Joseph Labre, et ce groupe de vierges, formé de Geneviève, de Jeanne d'Arc, de Thérèse de Lisieux et de Bernadette? En deux mots, Gallia sacra, le Légat du Pape, - Pape lui-même aujourd'hui, - fit tenir toute cette sainteté Française.
Moi-même, pour ma modeste part, quand j'ai dit: la Vocation catholique de la France et ses manifestations à travers les âges, c'est par le rappel de nos fidélités, plus que par celui de nos fautes, que j'ai essayé d'exhorter les âmes.
Qu'on ne reproche donc pas à M. de la Franquerie de nous dépeindre, ou peu s'en faut, une seule face de l'histoire. Pas plus que nous, il n'ignore l'ombre des contre-parties. Seulement elle est hors du point de vue lumineux et vivifiant qu'il a choisi. A lire ces pages, on pense mangré soi, sans chercher d'assimilation stricte, à ces dix justes réclamés par Dieu pour le salut d'un peuple et que, toujours, aux heures critiques de notre histoire, il a trouvés chez nous avec une surabondance qu'indique celle des grâces concédées.
Ah! qu'il avait donc raison le Pape Pie XI lorsque, proclamant, en 1922, Notre-Dame de l'Assomption, patronne principale de la France, il rapprocha ces deux termes: royaume de France, royaume de Marie, faisant un émouvant historique du culte de la Vierge dans notre pays, rappelant, entre autres faits, que, dès le XIIIe siècle, notre Sorbonne proclamait Marie conçue sans péché, mentionnant nos trente-cinq églises cathédrale placées sous le vocable de Notre-Dame, évoquant, comme une réponse du Ciel à la piété française, les apparitions et les miracles de Marie sur notre sol, saluant enfin les chefs de notre nation, à commencer par Clovis, tous défenseurs et promoteurs de cette dévotion envers la Mère de Dieu.
De fait, une telle dévotion resta toujours éclatante et pure dans l'âme de nos rois, malgré tout ce que leur vie put compter de vicissitudes et de défaillances. Leurs supplications, leurs craintes, leurs espoirs, leurs douleurs, leurs joies, leurs actions de grâces, leurs repentirs passent par le coeur maternel de Marie pour s'élever jusqu'à Dieu. Le signe sensible en sera les innombrables sanctuaires élevés à sa gloire qui couvrent notre pays et qui n'ont point d'égal ailleurs, tout au moins par la quantité. Lisez M. de la Franquerie et vous apprendrez l'origine royale ou princière de tant de fondations, pèlerinages, usages et dévotions locales, encore en vigueur aujourd'hui, et qui ont pour objet le culte de Marie. En vérité, existe-t-il un peuple au monde qui ait tant mêlé Marie à sa vie nationale, politique et morale? La géographie et l'archéologie sont là pour en témoigner.
Et ne serait-ce là que de l'histroire ancienne? Pas plus tard qu'avant hier, je recevais un livre de M. l'abbé Alphonse David, intitulé: Les litanies de Notre-Dame de la Banlieue, litanies faites des noms de quarante-trois paroisses récemment construites autour de Paris. Oui, quarante-trois nouvelles Notre-Dame érigées par la foi les angoisses et les aspirations contemporaines: Notre-Dame du Calvaire, Notre-Dame de Consolation, Notre-Dame de Pitié, Notre-Dame de l'Espérance, Notre-Dame de la Paix, Notre-Dame de la Reconnaissance, Notre-Dame de Toutes Grâces, Notre-Dame Protectrice des Enfants, etc.; ou bien portant de symboliques et poétiques appellations: Sainte-Marie aux Fleurs, Sainte-Marie des Vallées, Saint-Marie des Fontenelles, etc....
Oui, Marie est toujours patronne principlae de notre pays. Même dans la France la plus moderne, elle a gardé sa couronne et son sceptre. Que ce soit pour nous motif d'invincible confiance! Si notre amour ne déchoit pas, s'il sait rester fidèle, celui de Marie y répondra comme par le passé.
Le but de ces pages est de nous le démontrer. L'auteur, au prix d'un considérable travail, a voulu, selon qu'il l'esprime dans son avant-propos, retremper dans les leçons de l'histoire nos courages et nos espoirs ébranlés.
Remercions-le, félicitons-le, comme nous remercions et félicitons tous ceux qui, aux heures graves que nous vivons, savent tourner vers la foi et le retour aux traditions chrétiennes, seul salut de l'humanité, les regards, les esprits et les coeurs de leurs contemporains.

+ Alfred Card. Baudrillart de l'Académie française