vendredi, décembre 29, 2006

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 08 - Chapitre III

La Vierge des DruidesL'Action de Marie dans la Conversion de Clovis et l'établissement de la Royauté Chrétienne

En un tableau magnifique, M. Lecoy de la Marche résume les cinq premiers siècles de notre évangélisation:
"On peut distinguer dans cette nombreuse tribu (des évangélisateurs de notre Pays) trois lignées ou trois générations différentes qui ont eu chacune leur tâche, qui ont chacune leur titre de gloire. La première, c'est celle des disciples, des apôtres et des envoyés de Rome qui, du premier au troisième siècle, ont prêché dans les cités, converti les patriciens, les magistrats, les ouvriers, les esclaves, et fondé, au prix de mille sacrifices, souvent au prix de leur vie nos Eglises diocésaines... Honneur à ces ouvriers de la première heure, qui ont frayé le chemin à la civilisation chrétienne! Sans eux, la cité allait à la barbarie par la corruption, et la cité, nous venons de le voir, était presque tout le monde romain. Mais elle ne pouvait rester tout le monde: un tel privilège eut été par trop contraire à la morale de l'Evangile. En dehors de ses remparts protecteurs, attendait la foule des abandonnés, le long cortège des victimes du fisc et des invasions, toute cette classe agricole, qui n'était rien encore, mais qui allait précisément surgir à la vie, à la prospérité morale et matérielle sous le souffle fécond de l'égalité chrétienne; cette opération, cet enfantement laborieux, dont je viens de démontrer l'urgence, sera l'oeuvre de notre seconde lignée apostolique et ce sera le grand événement social du IVe siècle. Son principal agent sera l'homme dont nous allons étudier l'histoire. Saint Martin donnera à la France ces générations actives, solides, travailleuses, qui, après quinze siècles de labeurs, de décimation, de fléaux de toute espèce, formeront encore la réserve suprême de la grande armée catholique et nationale. Avec un groupe d'évêques, Hilaire de Poitiers, Maximin de Trêves, Simplice d'Autun, etc.... avec ses disciples et ses moines, Brice, Maurille, Victorius, Florent, Patrice et toute la milice religieuse formé à l'école de Marmoutier, il peuplera d'églises, de monastères, de villages, les vastes espaces couverts naguère par l'ombre des forêts sauvages et par l'ombre plus épaisse encore des superstitions druidiques. Il établira des paroisses rurales, indice significatif de l'avènement d'une classe nouvelle; et son apostolat fera descendre la sève du christianisme jusqu'aux plus profondes racines de la nation. Enfin, la troisième lignée c'est celle qui a conquis à la vérité les races barbares (des envahisseurs) de la Gaule: c'est celle des Saint Rémi, des Saint Avit, des Saint Colomban et de leurs courageux émules. On peut dire aussi d'eux qu'ils ont empêché la revanche du paganisme. Ils ont opposé leurs corps à l'ennemi et ils l'ont refoulé. Ils sont venus les derniers: mais ils ont eu l'honneur d'achever et de consolider l'ouvrage de leurs devanciers. Ils ont couronné l'édifice, planté le drapeau sur le faîte. Ils n'ont rien à envier aux autres. Telle a été la part de labeur assignée à chacune de ces légions d'ouvriers évangéliques. Il n'a pas fallu moins pour fonder la nation très chrétienne. Tantae molis erat Gallorum condere gentem!" (1).
Or, ce travail gigantesque de conversion de notre patrie, c'est par Marie qu'il s'accomplit. Evêques, moines convertissent les cités, les défendent contre les barbares, évangélisent les campagnes et les défrichent sous la protection de Marie. C'est d'Elle qu'ils parlent pour prêcher le Christ, c'est à Elle qu'ils élèvent partout des statues, des chapelles, des églises, des cathédrales.
Satan était sorti vaincu des grandes persécutions: sanguis martyrum, semen christianorum. Ayant échoué par la violence, il devait user de la ruse. Les hérésies furent le moyen qu'employa le père du mensonge.
Si les populations étaient devenues chrétiennes, sur tous les trônes d'Orient et d'Occident, les Rois et les grands étaient tombés dans l'arianisme. L'hérésie faisait de tels ravages qu'elle menaçait de submerger complètement l'Eglise et que l'intervention providentielle devenait nécessaire, indispensable pour assurer la pérennité de l'Eglise et la réalisation de la promesse de Jésus à Saint Pierre. Lucifer escomptait déjà son triomphe prochain. Il comptait sans Marie. Une fois de plus, de son pied virginal, Elle allait écraser le serpent. Déjà, Elle avait arrêté par le bras victorieux de Mérovée - bien qu'il fut païen - les invasions païennes et barbares d'Attila aux Champs Catalauniques. Elle allait utilisier de nouveau la race de Mérovée contre les hérésies et la consacrer définitivement pour règner jusqu'à la fin des temps sur notre pays par l'institution de la Royauté très Chrétienne.
Saint Savinien ayant évangélisé le Sénonais, éleva un petit oratoire en l'honneur de Marie à Ferrières et convoqua à cette occasion tous les néophytes. "Un prodige insigne vint confirmer dans la foi ces nouveaux chrétiens. C'était la nuit de Noël, et on allait commencer la Saint Sacrifice lorsque tout à coup une vive lumière remplit le sanctuaire. La Sainte Vierge apparaît, portant l'Enfant Jésus dans ses bras accompagnée de Saint Joseph; et les anges, s'associant à cette glorieuse apparition, entonnent comme autrefois le "Gloria in excelsis". Saisi d'un saint enthousiasme, Savinien s'écrie: "C'est vaiment ici Bethléem". Et depuis lors jusqu'à nos jours, ce nom est toujours resté au sanctuaire." (2).
Lors de l'invasion d'Attila, la chapelle fut incendiée. On la releva peu à peu; elle n'était pas encore achevée quand Clovis y vint en 481, attiré - quoique encore païen - par l'histoire merveilleuse de ce sanctuaire.
"Les ermites qui en étaient les gardiens le reçurent avec le plus grand honneur; et le prince, touché de ce bon accueil, se motra bienveillant envers eux jusqu'à contribuer de sa royale munificense à la reconstruction et à l'embellissement du religieux édifice. D'un autre côté, Clotilde (3) jeune encore, y venait chaque année en pèlerinage et les ermites admirant sa foi et sa piété, osèrent parler à Clovis de la vertueuse et belle chrétienne; ils lui en firent un si grand éloge que le Roi païen voulut la connaître; le regard du fier Sicambre eut bientôt découvert sous le voile de sa modestie, le trésor des douces vertus qui la distinguaient. Il résolut de l'épouser et bientôt la sainteté de Clotilde vint embellir le trône de France." (4).
Ainsi, sous l'inspiration et le regard de Marie, s'ébaucha et fut conclu le mariage de Clovis et de sainte Clotilde, auquel saint Rémi, de son côté, avait travaillé dans toute la mesure où il l'avait pu, parce que, divinement inspiré, ce nouveau Samuel, au nom de Dieu, avait pour mission de choisir délibérément la Race Royale destinée, ainsi qu'il le dit dans son testament, à régner jusqu'à la fin des temps. Et à personnifier la Royauté temporelle de Jésus-Christ. Or son choix s'était porté sur la Race issue de Mérovée.
Grâce à ce mariage, la conversion de Clovis et des Francs devenait possible et la mission divine de la France également; la fondation de la Royauté très Chrétienne n'était plus un rêve et l'Eglise pouvait entrevoir sa future victoire sur les hérésies qui menaçaient de la faire disparaître.
Depuis longtemps déjà, Clovis aimait à s'entretenir avec l'Evêque de Reims et aussi avec sainte Geneviève, dont la foi, la grande vertu et les miracles l'impressionnaient favorablement. Clotilde, dès lors, joignit ses plus ferventes prièrent et ses instances à celles du saint Pontife et de la vierge parisienne et n'allait pas cesser de supplier Marie - à qui elle devait son mariage - de lui accorder la conversion de son royal époux.
A Tolbiac, la Reine est enfin exaucée: accablé sous le nomre de ses ennemis, Clovis invoque le Dieu de Clotilde et promet de se convertir s'il est vainqueur. A peine a-t-il fait ce voeu que les Allemands sont en pleine déroute et qu'il obtient une victoire éclatante.
Fidèle à sa promesse, le Roi s'instruit des vérités de la Foi auprès de Saint Rémi. La cérémonie est fixée au 25 Décembre suivant. Mais, à la veille du grand acte, le Roi, tourmenté par des craintes et troublé, hésite encore; alors, raconte Hincmar, Saint Rémi passe la nuit au pied de l'autel de Marie, et la Reine, au pied de celui de Saint Pierre; ils arrachent au Ciel par leurs prières et leurs larmes le salut du roi et de son peuple. (5)

Reims Cathédrale du SacreSaint Rémi, dans la nuit de Noël 496, à Reims, baptise le roi, ainsi que trois mille Francs et lui confère l'investiture divine du Sacre, consacrant ainsi au nom de Dieu le mariage indissoluble de notre pays avec la Royauté, avec la Race de Clovis. Le roi donne le nom de sa Race à la Gaule qui devient la France - comme l'épouse prend le nom de son époux au jour de ses noces - et la France, à son tour donne son nouveau nom en signe de donation irrévocable à la Famille Royale dont tous les membres, depuis lors, sont de la "Maison de France".
Au cours de la cérémonie - tout comme au baptême du Christ - la voix de Dieu se fait entendre et le Saint-Esprit sous la forme de la colombe, apporte la Sainte Ampoule contenant le Chrème destiné au Sacre de tous nos Rois. Le pontife inspiré tient au Roi un langage prophétique, identique, quant au sens, à celui de Moïse au peuple élu de l'Ancien Testament:
"Apprenez, mon Fils, que le Royaume de France est prédéstiné par Dieu à la défense de l'Eglise Romaine qui est la seule véritable Eglise du Christ.
Ce Royaume sera un jour grand entre tous les Royaumes.
Et il embrassera toutes les limites de l'Empire Romain!
Et il soumettra tous les peuples à son sceptre!
Il durera jusqu'à la fin des temps!
Il sera victorieux et prospère tant qu'il sera fidèle à la foi romaine. Mais il sera rudement châtié toutes les fois qu'il sera infidèle à sa vocation..." (6).
Clovis devient alors le bras de Marie conte l'hérésie. Enflammé du zèle du néophyte, "Il m'ennuie, dira-t-il, après son baptême, de voir les hérétiques posséder les plus belles provinces des Gaules." (7).
Il part en guerre contre eux et, en moins de sept ans, ses victoires de Dijon sur Gondebaud (500) et de Vouillé sur Alaric qu'il tue de sa main (507) détruisent l'hériésie en Gaule, sauvent l'Eglise et lui permettent en même temps de donner à la France ses frontières naturelles: Océan, Manche, Rhin, Alpes, Méditerranée et Pyrénées. Il a combattu, non en conquérant mais en apôtre qui veut gagner des âmes à Jésus-Christ et Jésus constitue "le Saint Royaume de France".
"Et c'est Dieu qui a fait cela, conclut Baronius, pour qu'il fut évident aux yeux de tous que Dieu ne favorisait ainsi la nation des Francs, parmi toutes les autres, que parce que cette nation l'emportait, en effet, sur toutes les autres par sa piété et sa foi catholique et combattait plus ardemment pour la défense de l'Eglise que pour la protection de ses frontières." (8)
Clovis avait eu raison d'écrire en tête de la Loi Salique:
"La nation des Francs, illustre, AYANT DIEU POUR FONDATEUR...
Vive le Christ QUI AIME LES FRANCS!
QU'IL GARDE LEUR ROYAUME ET REMPLISSE LEURS CHEFS DES LUMIÈRES DE SA GRACE!...". (9)
Marie avait été une fois de plus la Porte par laquelle Clovis et les Francs avaient dû passer pour arriver à Jésus-Christ.
La mission de la France commençait. (10).

(1) Lecoy de la Marche: Saint Martin - Livre I, chaptire III, pp. 52 à 54 - chez Mame, 1895.
La tradition rapporte que Saint-Martin étant à Marmoutier, Satan le fit glisser dans l'escalier, lui faisant faire une terrible chute, mais que le Saint vit Marie lui apparaître et le retenir. Telle serait l'origine de N.-D. du Secours de Marmoutier (Hamon - IV. 179).
(2) Hamon. N.-D. de France, t. I p. 352 - voir Dom Morin: Histoire du Gatinais - Dom Ranessant, prieur de Ferrières - Gallia Christiana - le bréviaire de Ferrières, fête de Noël, 6e leçon - la bulle de Grégoire XV et la Charte de Clovis.
(3) Dom Morin p. 765.
(4) Hamon. id. p. 353.
(5) Hincmar "Vita Sti Remigii" - Recueil des Historiens des Gaules et de la France - 1869 - Tome III, p. 376-A.
(6) Migne: Patr. Lat. tome CXXXV, p. 51 et suiv.
Flodoard: Hist. Eccl. Rem. livre I, chap. XIII - Bibl. nat.: A. 112 à 329.
(7) Migne: id. tome LXXII, p. 706.
(8) Baronius: Annales Ecclesiast.
(9) Traduction de l'Abbé Lemann d'après les "Leges Salicae illus tratae" de Godefroid Wandelin (Anvers 1649).
(10) Pour tous les documents cités dans ce chapitre et pour avoir une idée suffisante des multiples miracles accordés par Dieu en faveur de Clovis et de nos Rois: guérison miraculeuse des écrouelles armes de France, etc... voir notre étude: "La Mission Divine de la France".

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