mercredi, janvier 31, 2007

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - Chapitre VII - (3)

Quant au Mont Saint Michel, sans doute ce pèlerinage est spécialement consacré au Grand Archange, qui est le protecteur attitré de la France et de nos Rois et en quelque sorte leur ange gardien (14), mais le Prince des Milices Célestes - lors de l'épreuve imposée par Dieu aux Anges - ayant été le premier à reconnaître et à proclamer la Royauté de Marie et à entraîner les bons anges à son service, et s'étant ainsi constitué son premier Chevalier, il est normal que Marie aime d'une particulière dilection tout ce qui touche à la gloire de Saint Michel et veuille en rehausser l'éclat. C'est ce que la Reine du Ciel tint à faire dans le sanctuaire de l'Archange au Mont Tombe. La tradition rapporte en effet que souvent les anges apparaissaient dans la basilique - à tel point que le Monastère fut appelé pour cette raison "le palais de Anges" et que Marie aimait à se joindre à eux pour y chanter les louanges du Très-Haut; et quand, en 1118, la foudre incendia l'église, dans l'embrassement général, seul l'image de Marie demeura intacte. Ajoutons que la célèbre abbaye possédait d'insignes reliques de la Vierge que les foules venaient vénérer: des cheveux et queques fragments de sa tunique et de son voile. (15).

Le culte de Marie avait pénétré la vie même des institutions et de toutes les classes de la société: le Cardinal Thomas disait avec raison: "Le chaste culte de Marie inspira toujours la chevalerie française et créa parmi nous des traditions de loyauté, de courtoisie et d'honneur qui ont survécu à toutes les défaillances, et sont encore à l'heure présente la plus belle parure de notre civilisation." C'était devant l'autel de la Vierge que les futurs chevaliers passaient la veillée des armes parce que Marie était la plus pure et la plus noble expression de leur idéal.
Quant aux classes laborieuses, réunies dans leurs corporations, elles avaient à coeur de les consacrer à Marie ou tout au moins de constituer des confréries en son honneur (16).

Ce tableau serait incomplet si on ne parlait pas de l'une des preuves les plus éclatantes de l'intensité de l'amour de la France tout entière pour Marie et de sa confiance en Elle: de toutes parts, églises, abbayes, monastères, chapelles surgissent sous le vocable de la Reine du Ciel, à tel point qu'au dire de quelques historiens, c'est à un édifice dédié à la Vierge que plusieurs milliers de villes ou de communes de notre pays doivent leurs existence. C'est l'amour de Marie qui inspira la construction de nos magnifiques cathédrales - les plus belles du monde incontestablement, car en elles seulement on sent une âme qui vibre intensément - admirables symboles de la foi et de la prière qui s'élancent toujours plus haut vers le ciel. L'enthousiasme que suscitait le culte der Marie en France était tel, dans toutes les classes de la population qu'on vit les scènes les plus touchantes et les plus édifiantes se produire à l'occasion de ces constructions qui incarnent très véritablement l'âme de la nation toute entière. Aucun sacrifice, aucune privation, aucune peine n'étaient considérés comme trop grands pour élever à Marie des temples dignes de la Reine du Ciel, de la Mère de Dieu, de celle que dès ce moment on considérait comme la Souveraine de notre Patrie. Les scènes suivantes décrites par les contemporains en sont la preuve combien éloquente et émouvante. L'archevêque de Rouen, Hugues, écrit à Théodoric, évêque d'Amiens:

"Les oeuvres de Dieu son grandes et toujours proportionnées à ses volontés! C'est à Chartres que des hommes commencèrent à traîner des chariots et des voitures pour élever une église, et que leur humilité fit jaillir des miracles. Le bruit de ces merveilles s'est répandu de toutes parts, et enfin a réveillé notre Normandie de son engourdissement. Nos fidèles, après avoir demandé notre bénédiction, ont voulu se rendre en ces lieux (Chartres) et accomplir leurs voeux; puis sont revenus, à travers notre diocèse et dans le même ordre, retrouver l'église de notre évêché, leur mère; bien résolus à n'admettre dans leur société personne qui n'eut auparavant confessé ses péchés et fait pénitence, qui n'eut déposé toute haine et tout mauvais vouloir, qui ne fut rentré en paix et en sincère concorde avec ses ennemis. Avec de semblables résolution, l'un d'eux est nommé chef; et, sous son commandement, tous humbelement et en silence s'attèlent à des chariots, offrent des aumônes, s'imposent des privations et versent des larmes... Ainsi disposés, ils sont témoins en tous temps, mais surtout dans nos églises, de nombreux miracles opérés sur les malades qu'ils conduisent avec eux, et ils ramènent guéris ceux qu'ils avaient amenés infirmes". (17).

Robert du Mont, autre contemporain, parle de même:

"Ce fut à Chartres que l'on vit pour la première fois des hommes traîner, à force de bras, des chariots chargés de pierres, de bois, de vivres et de toutes les provisions nécessaires aux travaux de l'église dont on élevait les tours. Qui n'a pas vu ces merveilles n'en verra jamais de semblables, non seulement ici, mais dans la Normandie, dans toute la France et dans beaucoup d'autres pays. Partout l'humilité et la douleur, partout le repentir de ses fautes et l'oubli des injures, partout les gémissements et les larmes. On peut voir des hommes, des femmes, même, se traîner sur les genoux à traves les marais fangeux et se frapper durement la poitrine en demandant grâce au ciel, tout cela en présence de nombreux miracles qui suscitent des chants et des cris de joie".
Dans son "Histoire des Miracles qui se sont faits par l'entremise de la Sainte Vierge en 1140" l'abbé Haymon, témoin des faits, les raconte ainsi avec une couleur et une vérité qui les font, en quelque sorte, revivre à nos yeux:
"Qui n'a jamais vu des princes, des seigneurs puissants de ce siècle, des hommes d'armes et des femmes délicates, plier leur cou sous le joug auquel ils se laissent attacher comme des bêtes de somme, pour charrier de lourds fardeaux? On les rencontre par milliers traînant parfois une seule machine, tellement elle est pesante, et transportant à une grande distance du froment, du vin, de l'huile, de la chaux, des pierres et autres matériaux pour les ouvriers. Rien ne les arrête ni monts, ni vaux, ni même rivières; ils les traversent comme autrefois le peuple de Dieu. Mais la merveille est que ces troupes innombrables marchent sans désordre et sans bruit... leurs voix ne se font entendre qu'au signal donné: alors ils chantent des cantiques ou implorent Marie pour leurs péchés... Arrivés à leurs destinations, les confrères environnent l'église; ils se tiennent autour de leurs chars comme des soldats dans leur camp. A la nuit tombante, on allume des cierges, on entonne la prière, on porte l'offrande sur les reliques sacrées; puis les prêtres, les clercs, et le peuple fidèle s'en retournent avec grande édification, chacun dans son foyer, marchant avec ordre, en psalmodiant et priant pour les malades et les affligés". (18).
Oui, vraiment, la construction de nos magnifiques cathédrales (19), a été le plus éclatant témoignage de filiale tendresse de notre peuple pour Marie et comme le plébiscite par lequel il L'a reconnue comme sa Reine, comme la Dame de toutes ses amours. Si les Grecs l'appellent Panagia, ou la Toute Sainte, les Italiens la nomment la Madone, ... la France lui a donné le beau et expressif nom de NOTRE-DAME, c'est-à-dire "Souveraine". (20).
"Notre Dame, nom évocateur, du plus beau Moyen Age, de la Chevalerie, des Croisades. Notre Dame! nom touchant plein de piété, d'amour, et de respect, le plus beau dont on ait désigné la Vierge! C'est la France qui l'a trouvé". (21).
On comprend, dès lors, que le Pape Urbain II, venant prêcher la première Croisade et traversant la France, y ait admiré la multitude extraordinaire des églises et des chapelles, des abbayes et monastères consacrés à Marie et plein d'émotion se soit écrié, sans crainte de se tromper: "REGNUM GALLIAE, REGNUM MARIAE, NUNQUAM PERIBIT!" Le Royaume de France st le Royaume de Marie, IL NE PERIRA JAMAIS!
On conçoit que, devant de pareils actes de confiance et de foi totale, absolue, Marie ait accordé d'innombrables miracles. Mais la société tout entière ayant manifesté sa foi d'une manière aussi édifiante, la Vierge se devait de récompenser magnifiquement ces témoignages d'amour non seulement par des grâces individuelles de conversions et de guérisons, mais encore par une royale bénédiction pour la Société tout entière. Cette royale récompense, ce sourire radieux de Marie fut le règne se Saint Louis.


(1) Hamon - op. cit. I, 244 et 245.
(2) Voir la note spéciale concernant le culte de la maison de Lorraine, au chapitre XVI, note 11, ainsi que ce qui en est dit aux chapitres XI et XII.
(3) Dom Bouquet, Recueil des Historiens des Gaules et de la France, XI 433 D.
Antoine Le Roy, chanoine et archidiacre de Boulogne écrit dans "La Vierge Miraculeuse de Boulogne" (1682):
"L'an 633 ou 636, sous le règne du Roy Dogobert est arrivé au port de Boulogne un vaisseau sans matelots et sans rames, que la mer, par un calme extraordinaire semblait vouloir respecter. Une lumière qui brillait sur ce vaisseau fut comme le signal qui fit accourir plusieurs personnes pour voir ce qu'il contenait. On y vit l'image de la Sainte Vierge faite en bois en relief, d'une excellente sculpture d'environ trois pieds et demie de hauteur, tenant Jésus Enfant sur son bras gauche. L'image avait sur le visage je ne sais quoi de majestueux et de divin qui semblait d'un côté réprimer l'insolence des vagues et d'un autre solliciter sensiblement les hommes à lui rendre leur vénération.
Les fidèles étaient dans une chapelle de la ville haute à faire les prières accoutumées, et y virent la Sainte Vierge qui les avertit que les anges, par un ordre secret de la Providence, avaient conduit un vaisseau sur leur rade, où l'on trouverait son Image.
Elle leur ordonna de l'aller prendre et de la placer ensuite dans cette chapelle comme étant le lieu qu'elle s'était choisi et destiné pour y recevoir à perpétuité les effets et les témoignages d'un culte particulier.
Le bruit s'en répandait aussitôt et le peuple descendit en foule sur le rivage pour y recevoir ce sacré dépôt et ce riche monument de la libéralité divine qui fut solennellement porté dans l'église.
Cette statue a dû être faite par Saint-Luc, comme celle de Lorette, semblable en sa grandeur et en sa nature qui est d'une espèce de bois incorruptible. Il avait une grâce particulière pour pouvoir représenter au naturel la figure de la Sainte Vierge à laquelle il était très affectionné. Il en a fait diverses images; tant en relief qu'en peinture que Dieu a rendues recommandables par un grand nombre de miracles.
Cette statue peut venir de l'Orient, d'Antioche, de Jérusalem par l'invasion des Sarrasins comme si Dieu, dans ces temps où les barbares s'emparaient de la Terre Sainte, aurait voulu que l'image de sa Sainte Mère, chassée de Palestine trouvât son asile justement dans une ville qui devait un jour donner la naissance à l'invincible Godefroy de Bouillon, ce grand restaurateur de son saint Nom dans les Pays du Levant.
Outre les anciennes généalogies des Comtes de Boulogne qui nous parlent de l'arrivée et de la réception de notre Sainte Image, toute l'Histoire en était autrefois décrite dans les vieilles tapisseries qui servaient à l'Eglise avec certaines rimes du temps, au bas de chaque pièce d'où l'on a tiré entre autres ces quatre vers qui ont longtemps servi de frontispice à la principale porte de l'Eglise cathédrale:

"Comme la Vierge à Boulogne arriva
Dans un bateau que la mer apporta
En l'an de grâce ainsi que l'on comptât
Pour lors, au vray six cens et trente trois."

La gravure de la première page de ce livre représente une barque avec un ange à chacune des deux extrémités, regardant la Sainte Vierge, de grandeur naturelle, assise au milieu, face au public. Son bras gauche porte l'Enfant Jésus ayant Lui aussi une couronne sur la tête; sa main droite tient un "coeur": celui offert par Louis XI. Au bas est écrit:

"Voyez-vous ce vaisseau qui cingle en mer
Jamais celui d'Argos en scaurait approcher
Aussy le Sainct Espirt luy servait de nocher
Les anges de ramer et la Vierge d'estoiler."

Un Historien ancien ajoute à propos de la fondation de Notre-Dame de Boulogne:
"Une belle église fut construite par Sainte Ide, Comtesse de Boulogne, pour remplacer l'ancienne. Son fils, Godefroy de Bouillon, proclamé Roi de Jérusalem, refusa de porter une couronne d'or, là où Notre-Seigneur avait été couronné d'épines, et envoya au Sanctuaire de Boulogne celle qui lui avait été offerte."
De nombreux pèlerinages se succédaient à Boulogne, venant de tous pays. De nombreux Souverains, des saints y vinrent prier aux pieds de la Vierge miraculeuse. Charles VII, avant son Sacre, fit don à N.-D. de Boulogne d'une grande statue de vermeil avec une couronne de pierres précieuses. Louis XI lui fit don du Combé de Boulogne. (Voir p. 118).

(4) Dom Bouquet, id. Index, XI, 70 - XI, 360 C - XI, 52 B, 168 E, 209 D. 238 D - XIII 253 D.
(5) J. L. "Vierges Gasconnes. Les sanctuaires en renom du Diocèse d'Auch" - 1909. On en compte actuellement plus de vingt.
(6) Hamon, op. cit., II 6.
(7) Dom Bouquet, op. cit., X 570.
(8) Hamon, op. cit., II, 35 à 40.
(9) M. Vloberg: Vers les Notre-Dame (Messager de la Très Sainte Vierge, numéro mai-juin 1936, p. 114).
(10) Sur l'Histoire et les origines du pèlerinage de N.-D de Chartres, voir:
Mgr Harscouët, Evêque de Chartres: "Chartres", Collection les Pèlerinages.
Abbé Hénault: "Origines Chrétiennes de la Gaule Celtique".
La dévotion des Princes de France à N.-D. de Chartres était intense, témoin celle de Louis de Bourbon, Comte de Vendôme, qui délivré de la captivité dont il était l'objet de la part de son frère Jacques, y vint accompagné de cent chevaliers, tous ayant un cierge à la main, pieds nus et déclara devant l'image de N.-D. qu'il voulait être l'homme de Marie et de la cathédrale de Chartres et il fit construire dans la cathédrale la chapelle dite aujourd'hui des martyrs parce qu'on y a déposé les reliques soustraites aux profanations de 1793. (Hamon, I, 223 et 224).
(11) de la Franquerie: La Mission divine de la France - le chapitre sur le Sacre des Rois de France, p. 50 à 66 et celui sur les miracles des Rois de France, la guérison des écrouelles, de p. 67 à 73.
(12) Dom Bouquet: op. cit. et notamment VIII, 189 C et 213 A et B.
(13) Hamon, id. II, 233 et 252. - Pour les pèlerinages de Chartres, du Puy, de Rocamadour, Liesse, etc...., consulter Hamon, op. cit. et la collection des Grands Pèlerinages, chez Letouzey à Paris, etc....
(14) "Documents nouveaux sur Rocamadour", par Ludovic de Valon, 1928.
"Du nouveau dans la Chanson de Roland", par P. Boissonnade.
"España Sagrada" par Florez, Risco et l'Académie d'Histoire de Madrid, vol. 50, page 358, etc....
Les ouvrages du Chanoine Albe sur Rocamadour.
(15) Voir: de la Franquerie: Mémoire pour servir au renouvellement de la consécration de la France à Saint Michel - Préface de Mgr de la Villerabel, Evêque d'Annecy.
(16) Chronique du Mont-Saint-Michel, écrite au XIe siècle - Archives d'Avranches.
(17) Voir Hamon: op. cit., V, 213, sur les diverses corporations intellectuelles et ouvrières consacrées à Marie dans le Diocèse de Bayeux.
Cette tradition demeura jusqu'à la Révolution, on en trouve un exemple frappant dans la charte de la Corporation des "Compagnons menuisiers de la Ville et Faubourg de Dijon", datée du 25 août 1667, dont les deux premiers mots sont "Jésus-Maria". Ils voulaient ainsi placer sous la protection et sous l'inspiration de Jésus et de Marie leur famille, leur profession, leurs conventions, leur travail, etc... émouvante confiance, génératrice de la plus belle valeur morale et professionnelle et des plus beaux chefs-d'oeuvre car à l'âme noble la grandeur de l'inspiration est naturelle. (Voir Henri Crépin "La liberté de travail dans l'Ancienne France", p. 121, 1937, à Vezelay (Yonne).
(18) Hamon, id. I, 196.
(19) Mabillon: Annales de Saint Benoît, tome VI.
(20) Nul peuple n'a sculpté plus beau poème de pierre à la gloire de Marie, non seulement dans l'art architectural, mais aussi dans celui de la statuaire, car chacune de nos basiliques, chacune de nos cathédrales et combien de nos modestes églises ou chapelles de villages sont peuplées de multiples statues - aussi belles dans leur inspiration que dans leur exécution - qui enseignent au peuple de chez nous les scènes principales de la Vie de la Vierge: sa naissance, sa présentation au Temple, son mariage, et la touchante nativité de Bethléem, et les douleurs de Marie au pied de la Croix, et sa mort, et son Assomption et son couronnement au Ciel, où Elle trône en majesté.
Si la peinture française est moins développée qu'en Italie et en Allemagne - encore que sur ce point notre Pays ait depuis le XVe siècle pris une place de tout premier plan - c'est qu'en France nos artistes se consacraient à des chefs-d'oeuvre inégalés: les admirables verrières de nos cathédrales et les magnifiques vitraux de tant de nos églises; les innombrables livres d'heures et manuscrits du Moyen Age et de la Renaissance où nos miniaturistes ont enluminé tant d'admirables scènes à la gloire de Marie. Dans ce domaine, la France ne le cède à aucun pays.
(21) Abbé Duhaut: Marie Protectrice de la France, p. 81.
(22) Jeanne Durand: Les Vierges noires. (Almanach Catholique français, 1923, p. 269).

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 12 - Chapitre VII - (2)

La France avait été la grande inspiratrice des Croisades. Marie lui en témoigna sa gratitude par le pèlerinage de N.-D. de Liesse. En 1134, trois frères, Seigneurs dans le Laonois, se croisèrent. Faits prisonniers par le Sultan d'Egypte, celui-ci, voulant à tout prix les faire apostasier, alla jusqu'à leur envoyer sa fille, remarquablement belle, pour les séduire. "En discutant avec les prisonniers sur l'Evangile, Isménie qui croyait vaincre fut vaincue". Elle demanda aux chevaliers de lui sculpter l'image de Marie. Les chevaliers firent appel à la Sainte Vierge afin qu'Elle dirigea leurs mains. Pendant la nuit, la Vierge envoya des anges porter "son image rayonnante de piété". Le lendemain, quand Isménie revint, le cachot était éblouissant de lumière et un parfum délicieux s'échappait de la statue; la princesse crut aussitôt, emporta la statue dans ses appartements et, rayonnante de joie, ne cessa de la regarder pendant que les chevaliers non moins rayonnants de bonheur s'écriaient "Notre-Dame de Liesse". La nuit suivante Isménie entendit la statue lui dire: "Aie confiance, Isménie! J'ai prié mon Fils pour toi. Tu seras sa fidèle servante. Tu délivreras les trois chevaliers que j'aime. Tu seras baptisée et par toi la France sera enrichie d'innombrable grâces; par toi mon nom deviendra célèbre et plus tard je te recevrai pour toujours dans mon paradis". Isménie fit s'évader les prisonniers et s'enfuit avec eux. Pris tous les quatre d'un sommeil profond, ils s'endormirent et pendant leur sommeil les anges les transportèrent en France. Quand ils se réveillèrent, les trois chevaliers étaient dans leur pays, à côté de leur château, à Marchais. Isménie fut baptisée et tous résolurent de construire une chapelle à l'endroit où ils s'étaient réveillés, en l'honneur de "Notre-Dame de Liesse". Depuis lors les miracles y furent innombrables. Louis VII y vint en pèlerin en 1146 et N.-D. de Liesse devint l'un des pèlerinages préférés des Rois de France.

mardi, janvier 30, 2007

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 12 - Chapitre VII - (1)

L'amour de Marie inspire et illumine tout le Moyen Age

Depuis des siècles, les Rois de France et les Princes de leur Maison manifestent avec une telle foi et un tel éclat leur culte pour la Reine du Ciel et Marie les protège si visiblement que tout naturellement l'influence royale, jointe aux traditions de notre race et aux prédications de l'Eglise, fait rayonner magnifiquement ce culte marial non seulement à la Cour, auprès des Seigneur, mais dans le peuple lui-même et jusque dans les cours étrangères et chez les peuples voisins.
Un aperçu général sur l'intensité de ce culte dans notre pays montrera que très réellement le Royaume de France est essentiellement le Royaume de Marie.
Les Grands Seigneurs aiment à prendre pour cri de guerre le nom de Notre-Dame; tels les ducs de Bourbon: Bourbon Notre-Dame; les ducs de Bourgogne: Notre-Dame Bourgogne!; les Seigneurs de Sancerre: Notre-Dame Sancerre!
En Ile de France et en Champagne, cette "terre classique de la féodalité", la haute noblesse: les Garlande, les Melun, les Barres, les Montmirail favorisent de leur zèle tout ce qui touche au culte de Marie; les Comtes de Chatillon-sur-Marne construisent l'Eglise N.-D. à Villeneuve-le-Comte et l'abbaye de N.-D. du Pont aux Dames; les Comtes de Champagne surtout, avec les princes de Déols en Berry, surpassent tous les autres Seigneurs par leur zèle pour élever des sanctuaires à la Reine du Ciel: à Provins notamment ils fondent une collégiale et une église paroissiale en son honneur, dotent amplement plusieurs monastères d'hommes qui sont sous son vocable, si bien que peu de villes en France sont aussi riches en monuments dédiés à Marie. (1).
Si les Comtes de Champagne rivalisent de zèle avec les Princes de Déols pour couvrir leurs terres de sanctuaires ou de monastères dédiés à la Reine du Ciel, il en est de même des Ducs de Lorraine et de leurs cadets, les Comtes de Vaudémont-Lorraine. (2).
En Flandre et en Picardie la Maison de Bouillon et celle de Valois donnent l'exemple, la première en fondant N.-D. de Boulogne, la seconde en accordant à N.-D. d'Amiens les droits et la juridiction que les vicomtes exerçaient sur ses terres (3).
En Normandie, Guillaume le Conquérant et ses descendants fondent Sainte-Marie-de-Bonne-Nouvelle, Sainte-Marie sur Dives, Sainte-Marie-de-Jumièges, l'abbaye de Sainte-Marie-du-Pré à Rouen, Notre-Dame de Honfleur, etc. ... les Paynel favorisent celle de Hambye et de Sainte-Marie de Tombelaine. (4).
Dans le Perche, Rotrou II fonde N.-D. de la Trappe; en Anjou, Foulques Néra, N.-D. de Marchais; en Guyenne, la Maison d'Aquitaine, N.-D.-de-Talence et N.-D.-de-Lorette, la Famille de Bordeaux, N.-D. de Verdelais; en Gascogne, les Comtes d'Armagnac se déclarent hommes-liges de la Vierge et font d'importantes donations à N.-D. d'Auch, pendant que la noblesse favorise les nombreux pèlerinages marials de cette contrée (5). Plus au nord les Comtes et Dauphins d'Auvergne, les Comtes de Forez, les Ducs de Bourbon tiennet à gloire de se considérer comme les vassaux de N.-D. de Clermont; etc. ... Enfin, en Berry, parmi la haute noblesse les Seigneurs de Sully - branche aînée des Comtes de Champagne, - les de Lignières, de Graçay, de Mehun, de Culant, de Naillac, de la Trémouille, de Buzançais, de Palluau, de la Châtre, de la Prugne et de Pot se distinguent, mais surtout les princes de Déols, barons de Châteauroux, leur nom est symbolique puisque Déols veut dire Bourg-de-Dieu. Les princes de Déols, barons de Châteauroux, fondent non seulement les abbayes de N.-D. de Déols et de N.-D. d'Issoudun, mais une multitude d'autres, tellement qu'un vieil auteur a pu dire: "Il ne se trouve point de Maison en France qui ait tant fondé, construit, doté d'églises, d'abbayes, et de monastères que celle de Châteauroux (6).
En 917, Ebbon, prince de Déols et digne neveu de l'Archevêque (de Bourges Saint Géronce), éleva dans ces lieux le culte de la Sainte Vierge au plus haut degré d'honneur par ses actes et ses exemples... Il fonda l'Abbaye de N.-D. de Déols, en statuant, porte l'acte de fondation "que ce monastère était établie en l'honneur de la Bienheureuse Marie toujours Vierge; que les moines y vivraient selon la règle de Saint Benoît et que Bernon en serait abbé". Le pieux Abbon fit plus encore: en même temps qu'il fondait l'abbaye dans la capitale de son fief, il donna par acte solennel à la bienheureuse Mère de Dieu toute la principauté déoloise: "Je donne, dit-il, à Marie et aux apôtres Saint Pierre et Saint Paul toutes les choses qui m'appartiennet dans le Berry". Et l'auteur de la translation des reliques de St Gildas nous fait connaître que sa principauté s'étendait des rives du Cher jusqu'à la rivière de l'Anglin, et de la Gartempe en Poitou: c'est-à-dire comprenait tout le Bas Berry qui fut ainsi consacré par ce prince à la Sainte Vierge.
N.-D. de Déols acquit une grande célébrité: on venait la prier de toutes parts, et elle répondait à ces prières par des miracles. Malheureusement, en 935 et en 941, les Normands envahirent la contrée firent du monastère une grande ruine et tuèrent Ebbon lui-même. Mais Raoul Ier, son fils, répara tant de désastres; et non content de relever l'édifice renversé, il céda aux religieux son château de Déols, avec ses dépendances. (7). Le monastère reprit donc son ancienne splendeur; et il continuait à embaumer tout le pays de l'amour de la Sainte Vierge, lorsqu'en 991, Raoul II, jaloux de continuer la bonne oeuvre de son père et de son aïeul, trouvant les bâtiments de l'abbaye peu dignes de sa haute réputation et de l'affluence des pèlerins, fit tout rebâtir par les fondements, et en fit vraiment, selon l'exergue de son blason, le premier et le plus beau monastère du Berry "primum et nobilissimum monasterium".
Trois choses grandissaient la réputation de Notre-Dame de Déols et en faisaient pour le Bas Berry ce qu'est N.-D. de Chartres pour la contrée qu'elle domine, les miracles qu'opéraient la Sainte Vierge, les vertus de ses religieux et leur science vraiment digne des enfants de Saint Benoît. Les miracles qui s'opéraient à N.-D. de Déols étaient si fréquents qu'un des religieux les plus éclairés et les plus saints du XIIe Siècle, Hervé de Déols, ayant entrepris d'écrire ceux qui arrivaient de son temps, en a composé un notable volume, que nous avons encore et qu'on peut lire au CLXXXIe tome de la Patrologie..." Aussi N.-D. de Déols ne tarda-t-elle pas à n'être plus connue que sous le vocable de N.-D. des Miracles de Déols.
"C'était aux cloîtres de Déols que de grandes églises, et surtout l'église primatiale de Bourges, allaient souvent demander des évêques... Aussi, les Souverains Pontifes honorèrent-ils à l'envi N.-D. de Déols. En 1106, Alexandre II, forcé de quitter l'Italie d'où le pouchassait l'Empereur Frédéric Barberousse, se réfugia à Déols et y séjourna depuis le mois de septembre de cette année jusqu'au 1er Août de l'année suivante.... Pendant ce temps, Déols eut la gloire d'être comme une autre Rome, le centre du gouvernement de l'Eglise." (8).
Ainsi le Roi et la noblesse faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour étendre le règne de Marie, et le peuple répondait à leurs espoirs en multipliant les pèlerinages en l'honneur de la Vierge qui récompensait la foi de tous par des miracles toujours plus nombreux.

Monsieur Maurice Vloberg a très justement écrit que si "le Saint Sépulcre attirait en Syrie, la confession de Saint Pierre à Rome; Saint Jacques en Galice, l'attraction spirituelle de la Vieille France fut toujours vers un temple riche ou humble, de Marie. "France la douce" sortie toute blanche du baptistère de Reims, est née à la Foi chez une Notre-Dame." (9). En France, c'est Marie qu'on vient prier de tous les points du monde chrétien si bien que nos routes se couvrent de pèlerins de tous pays qui viennent aux grands sanctuaires de Chartres, de Reims, du Puy, de Rocamadour et de Liesse, en attendant que vienne l'heure de Lourdes, de la Salette, de Pontmain etc.... sans oublier le Mont Saint Michel où Marie aimait également faire des miracles.
Chartres demeure incontestablement le premier de nos pèlerinages tant par l'ancienneté de son origine - relatée au chapitre premier - que par la très grande dévotion de nos Rois et par les fréquents pèlerinages que les Reines de France allaient y faire afin d'obtenir un héritier pour le trône et une heureuse délivrance (10).

Reims est la basilique royale par excellence puisqu'elle est la basilique du Sacre et que c'est là, aux pieds de Marie qu'a été baptisé le premier de nos Rois et que la France est devenue chrétienne. En venant se faire sacrer, le Roi de France - à l'exemple du Christ qui avait pu vaincre Lucifer par la vertu de son Sacre - venait acquérir par l'onction de l'huile apportée spécialement du Ciel par le Saint Esprit lui-même - les lumières et les forces nécessaires à l'accomplissement de sa mission providentielle dont le but en fin de compte - est de vaincre Satan dans l'ordre temporel. C'est là qu'à chaque Sacre la France vient recevoir, de Jésus par Marie, son Roi et que le Roi reçoit la plénitude des bénédictions et des grâces divines, là qu'il devient le Fils aîné de l'Eglise et que le pontife le revêt de l'épée qui doit lui permettre de protéger l'Eglise; là qu'il acquiert le pouvoir non seulement de gouverner légitimement, mais encore celui de guérir miraculeusement certaines maladies telles que les scrofules et les écrouelles. (11). Aussi "quel chef-d'oeuvre a germé de son sol sous l'influence des idées du sacre! Vous avez vu l'admirable Basilique de Sainte-Marie de Reims. C'est une épopée de pierre. Elle a pour elle la majesté, la grâce, l'harmonie et la force de résistance. La poussée vers le ciel de ses voûtes en fait un monument plus qu'humain...
Force est d'y reconnaître le Sanctuaire Royal, la Basilique de la Monarchie Chrétienne... L'acte de foi en la Royauté de Jésus-Christ sur la France s'y affirme mieux qu'ailleurs" et aussi celui de la Royauté de Marie sur son royaume de prédilection. Dans cette magnifique dentelle de pierre, la scène la plus émouvante et la plus symbolique n'est-elle pas celle du porche central: Marie s'élève vers les cieux; à sa rencontre anges, saints, rois de Jessé viennent lui rendre hommage. Son Divin Fils la couronne Reine du Ciel et de la terre, Reine de tout l'Univers et c'est la longue suite des rois de France - de nos Rois - qui forme sa Cour... A Reims Marie aimait, dans cette magnifique basilique, à multiplier les miracles: protection des régions voisines contre la grêle, guérisons de boiteux, paralytiques, etc.... Ces miracle sont mentionnées par Flodoard et par les bénédictins dans leur Recueil des Historiens des Gaules et de la France. (11).

Depuis des siècles Le Puy était un des grands pèlerinages à Marie. Charlemagne y était venu. Eudes et Robert, Louis VII et Philippe-August aussi; tous avaient laissé des témoignages de leur royale munificence. A chaque règne de nouveaux privilèges étaient octroyés par le Roi, par égard et dévotion pour Notre-Dame, si bien qu'ayant bientôt accocrdé tout ce qui était en leur pouvoir et voulant manifester sans cesse leur confiance en Marie, nos Rois firent alors de riches donations: en 1134 Louis le Gros octroie toute l'enceinte et les remparts de la ville; Louis VII en 1146, pour supprimer tous les obstacles que pouvaient rencontrer les pèlerins sur leur route, défend de construire aucun fort depuis Aleth jusqu'à Montbrison, depuis l'Allier jsuqu'au Rhône, depuis Saint-Alban jsqu'au Puy et accorde à l'évêque la pleine autorité sur toute la ville. En 1211 et 1215, Philippe-Auguste donne le château Arson et d'autres domaines. Aussi conçoit-on qu'avant de partir à la Croisade Louis VII et Philippe-Auguste viennet mettre leur personne et leur royaume sous la tutelle de Marie au Puy (13). Les Souverains Pontifes, pour augmenter encore la renommée du pèlerinage et le nombre immense des pèlerins octroient de précieuses indulgences à la célébration du Grand Pardon de N.-D. du Puy. Ajoutons que l'un des grands évêques du Puy, Adhémar de Monteil fut l'âme de la première croisade et serait l'auteur de l'admirable "Salve Regina".

Rocamadour, dont l'origine remonte au temps où Marie vivait encore, fut le grand centre de ralliement pour ceux qui allaient à Saint Jacques de Compostelle. Les peuples de France, d'Italie, de Germanie, de Flandre et d'Angleterre s'arrêtaient toujours à Rocamadour pour se mettre sous la protection de la Reine du Ciel et Lui demander de leur venir en aide pendant leur voyage et de leur accorder le bénéfice de toutes les grâces spirituelles qu'ils étaient à même de gagner. C'est grâce au pèlerinage de Rocamadour qu'à l'exemple de la Trève de Dieu, fut instituée la trève de Marie: tous les pèlerins s'y rendant, pouvaient traverser les armées ennemies sans crainte et sans danger - tant le culte de Marie était répandu au Moyen Age et pendant la Guerre de Cent ans. Ce privilège fut peu à peu étendu à tous les pèlerinages de la Vierge.
Grâce aux Vicomtes de Turenne et à la Noblesse du Quercy qui se croisèrent en Espagne contre les Maures, Notre-Dame de Rocamadour étendit son rayonnement de l'autre côté des Pyrénées avec d'autant plus d'éclat que les Rois d'Aragon lui durent leur victoire contre l'Islam. On comprend dès lors les liens qui unissaient les pèlerinages de Rocamadour et de Saint-Jacques de Compostelle et les fondations de reconnaissances faites en Espagne par les Rois d'Aragon en l'honneur et au profit de la Vierge du Quercy. (13).

La Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre, Paris

Sacré-Coeur, Montmatre, Paris(1876 - 1910)
Dans le cartouche: la mosaïque de Luc-Olivier Merson, située au-dessus de l'autel.

mardi, janvier 16, 2007

Lettre de Marie Mesmin à M. Ollagnier, adressée le 24 mai 1915

Que Jésus, Marie et Joseph soient aimés de tous les coeurs. Je suis la servante du Seigneur.

Cher Monsieur,
Je ne puis que vous approuver d'avoir pris la défense de notre Bonne Mère du Ciel, de celle qui ne cesse de nous combler de ses bienfaits, de nous suivre pas à pas sur cette terre d'exil, essayant de nous retenir sur la pente glissante, où tant d'âmes ne craignent pas de s'engager.
Ah! qui pourrait jamais comprendre la grandeur de la bonté maternelle de Notre Souveraine, de Celle qui, du haut de la Croix, nous fut donnée pour Mère par son Divin Fils, et c'est cette Mère et Souveraine que nous ne semblons connaître que pour la payer de mépris et d'ingratitude.
Le monde, malgré les avertissements qui lui sont donnés depuis plus d'un demi-siècle, continue de se livrer aux plaisirs et aux jouissances. L'amour du bien-être et l'orgueil dominent partout, et de cet orgueil s'est engendré l'endurcissement du coeur, l'aveuglement de l'esprit. La terre est, pour ainsi dire, dévorée par la lèpre de tous les vices. Faut-il, après cela, s'étonner de l'incrédulité persistante d'un grand nombre d'âmes, malgré les épreuves qui nous accablent?
Oserai-je vous inviter, cher Monsieur, à suivre la marche de notre Divine Mère à partir du jour où Elle daigna descendre des hauteurs du Ciel pour venir s'asseoir et pleurer sur la montagne de La Salette? Ce jour-là, la Très Sainte Vierge commençait un pèlerinage sur la terre, pèlerinage mille fois plus douloureux que celui du Calvaire, car en gravissant celui-ci, Elle suivait les pas de notre doux Sauveur, de celui qui allait donner sa vie pour racheter le monde.
A La Salette, la Très Sainte Vierge vient à son tour essayer de sauver ses enfants, non pas en offrant sa vie, mais en leur montrant leurs égarements, en leur rappelant leurs devoirs, en leur dictant ce qu'ils doivent faire pour éviter les châtiments, les fléaux si terribles qui menacent de les accabler, de les anéantir, s'ils ne veulent revenir à Dieu. En vain notre Bonne Mère nous dit: "Pénitence, ou vous périrez tous". Ses avertissements ne sont pas compris, ou ils sont méprisés, ses larmes semblent tomber sur une terre ingrate et desséchée, nos coeurs sont insensibles, nos âmes sont aveuglées et le monde persiste dans ses égarements; il fait plus, le mal grandit. C'est alors que la Très Sainte Vierge qui est mère avant tout, nous voyant toujours descendre cette pente rapide du mal, descend avec nous et cherche encore à sauver ses enfants.
Du haut de la Montagne si élevée de La Salette, où en vain elle a essayé de donner ses paroles et de se faire entendre du monde entier, la Très Sainte Vierge descend et vient à Lourdes. Là, elle redit le mot "Pénitence" trois fois. Puis, voulant à tout prix guérir nos âmes, mais nous voyant si matériels, si aveuglés, au point de ne plus comprendre le Surnaturel que pour le rejeter, Notre Bonne et Divine Mère se sert comme d'un stratagème pour nous attirer à Elle, et par Elle, à son Divin Fils. A Lourdes, la Très Sainte Vierge fait jaillir une source. Elle appelle les foules du monde entier pour boire cette eau vivifiante qui pourra guérir les âmes et les corps. L'univers entier répond à cet appel divin. Les foules accourent, non pas seules, mais accompagnées de leurs pasteurs: cardinaux, évêques et prêtres ne dédaignent pas de venir prier les bras en croix, de baiser la terre de ce sol béni et de demander à grands cris la guérison des malades. La Très Sainte Vierge tient ses promesses, nous donne d'éclatants miracles et guérit des milliers d'affligés, mais le monde, lui, ne tient pas ses engagements, les âmes ne se convertissent pas. L'Eglise continue de souffrir de persécution: c'est la séparation, le vol odieux, nos morts eux-mêmes sont dépossédés, les religieux et religieuses sont expulsés; on enlève des hôpitaux ces soeurs si dévouées qui pansaient les blessures de l'âme et du corps et préparaient les moribonds à ce terrible passage dans l'au-delà. Dieu est chassé de partout: des armées, prétoires, hôpitaux, écoles, où nos enfants sont élevés sans aucun principe de notre sainte religion et, en grandissant, forment des familles athées.
La Très Sainte Vierge n'a-t-elle pas raison de se plaindre de n'être plus connue et aimée des enfants comme autrefois, et de gémir en parlant des âmes du purgatoire, en disant: "jamais tant d'âmes n'ont été délaissées, jamais plus d'âmes ne seront tombées dans le lieu de l'expiation sans le moindre secours. Leurs gémissements ne sont jamais montés plus haut vers la terre inutilement, le monde reste sourd à tant d'appels".
Est-ce là tout le mal? Non, les exactions de toute nature continuent! Non seulement les croix sont brisées, foulées aux pieds, Notre Seigneur est doublement fait prisonnier dans nos églises; c'est l'abomination dans le lieu saint. Notre Seigneur n'a plus le droit de franchir le portail de nos temples sacrés pour nous bénir et bénir nos foyers; les processions où le Très Saint Sacrement était triomphalement porté, sont supprimées. C'est journellement la destruction partielle qui tend à une destruction générale de tout ce qui touche à notre Sainte Religion.
Ai-je besoin, cher Monsieur, de vous faire remarquer que la marche des âmes est plus que descendante; elles ne glissent plus seulement sur la pente du mal, elles courent rapidement vers le gouffre de leur perdition. La Très Sainte Vierge est toujours là, elle nous guette, pour ainsi dire, comme une mère qui veille son enfant égaré, et vers ce gouffre béant, où la vie mondaine nous entraîne et où les iniquités vont nous plonger, elle descend avec nous et arrive dans la plaine. La Très Sainte Vierge vint à Bordeaux et dit ceci. "On m'a chassée de La Salette, je viens pleurer à Bordeaux; c'est ici que je pose une dernière fois les pieds, car les châtiments sont à votre porte". Dans cette plaine, la Très Sainte Vierge verse d'abondantes larmes, et cela pendant plusieurs années. Elle annonce une terrible guerre qui ne ressemblera pas aux précédentes, si le monde ne veut pas revenir à son Divin Fils. Ce sera, dit-eille "une guerre de massacres", et aujourd'hui tout se vérifie, tout s'accomplit. Dans cette plaine arrosée des larmes de la Reine du Ciel, on se bat, on se massacre; non seulement le sol est baigné de nos larmes, il y coule des ruisseaux de sang.
A Bordeaux, la Très Sainte Vierge ne dit pas le mot "Pénitence" une fois comme à La Salette, trois fois comme à Lourdes, mais elle le redit cinq fois, demande non seulement le chapelet, le Rosaire chaque jour, mais plusieurs Rosaires chaque jour, si on le peut, car le mal va toujours grandissant. A Bordeaux, la Très Sainte Vierge ne fera pas jaillir une source visible pour guérir les malades, mais mille sources des eaux vives de la grâce y jailliront.
Le Reine du Ciel, après avoir pleuré pendant six années consécutives, prononce ces paroles: "Refugium peccatorum" et à Bordeaux, la Très Sainte Vierge appellera les foules du monde entier pour la réparation, pour la guérison, non seulement des corps, comme à Lourdes, mais surtout pour la guérison des âmes. Avec les épreuves, les calamités, les âmes s'épureront pour ainsi dire, et reviendront à Dieu; les esprits seront moins rebelles et commenceront à recouvrir la lumière. Tels les flots qui, battus par la tempête d'une mer orageuse, recouvrent, avec le calme, leur limpidité première, ainsi nos âmes, affligées, abattues, viendront se baigner dans la piscine des eaux salutaires de la pénitence pour s'y purifier. A Bordeaux, la Très Sainte Vierge se plaint que l'on ne prie pas assez pour les serviteurs de son Divin Fils qu'Elle aime tant, pour nos prêtres si persécutés: "Ah! si l'on connaissait, dit-elle formellement, la grandeur et la responsabilité du prêtre! Lui-même, s'il les voyait, n'en pourrait supporter la vue, il en mourrait. Prions donc pour eux afin de faciliter leur mission, d'alléger leur fardeau".
Ah! que n'ont pas fait nos évêques et nos prêtres pour la cause de Dieu, pour résister à ce courant de l'impiété, de la persécution, de ces oppositions infâmes. Les avons-nous soutenus comme nous le devions? Quelle n'est pas aussi notre responsabilité dans toutes les réformes qui se sont accomplies? Si nous n'avons pas agi, n'avons-nous pas laissé faire, et ne sommes-nous pas tous coupables? Le Congrès Eucharistique de Lourdes, si merveilleusement organisé, n'avait d'autre but que la réparation et d'obtenir à tout jamais l'éloignement des châtiments. Cette manifestation si grande n'a pas suffi, car ce que la Très Sainte Vierge demande et réclame depuis longtemps, ce sont des processions générales par toute la France. Prions, afin que notre nation puisse être délivrée du jourg de ses ennemis. Soulevons, non pas des ligues de prières, mais une armée qui, par ses supplications, aurait mille fois plus de force que toutes les armées du monde entier rangées en bataille. N'aurions-nous pas pitié de nos prêtres qui ont dû abandonner leurs paroisses et leurs églises? N'aurions-nous pas pitié de tant de religieux qui, après avoir été chassés, sont venus prendre rang au milieu de leurs frères, non seulement pour combattre et relever les courages, mais pour y donner l'exemple de tous les dévouements auprès des blessés et des mourants?
Que dire de nos chers soldats, de nos enfants? De ceux-là n'aurons-nous pas pitié non plus? N'aurons-nous pas pitié de nos époux, de nos frères, dont un si grand nombre déjà ont été fauchés, moissonnés au champ d'honneur? Ah! cher Monsieur, ne soyons plus lâches, l'heure n'est plus de dormir, il faut réveiller le monde et le sortir de sa torpeur. France, debout et prie! Tout le salut est là. Faisons prier nos petits enfants, qu'ils implorent pour nous la Reine du Ciel, la Mère des Douleurs, Celle qui a versé tant de larmes! Qu'ils demandent pour tous Pardon et Miséricorde! Que les voûtes sacrées de nos églises, de nos cathédrales retentissent enfin de cette suplication, du pardon qui ne veut point sortir de nos lèvres; et cependant, un père outragé, offensé, peut-il pardonner à un enfant ingrat, s'il ne revient s'incliner, s'humilier devant lui?
Prions enfin, pour que nos chers pasteurs, cardinaux, évêques et prêtres puissent bientôt réaliser ce désir de la Très Sainte Vierge, en rendant à Notre Seigneur non seulement la première place qui lui est due, mais la liberté. Qu'il soit délivré de la tyrannie des méchants et que, dans la France entière, nos statues soient sorties, nos bannières déployées pour faire escorte, avec tous les fidèles, au Très Saint Sacrement porté triomphalement dans toutes les rues de nos grandes cités, comme de celles de nos plus simples bourgades. Ce jour-là sera le prélude de la délivrance et, au nom de la Très Sainte Vierge, je ne crains pas de l'affirmer, nous irions de victoire en victoire et l'ennemi serait vite chassé! Pourrions-nous refuser de voir briller bien vite l'étoile de la victoire et de la délivrance? France, toi qui étais la fille aînée de l'Eglise, France tant aimée de la Reine du Ciel, refusera-tu plus longtemps de sécher ses larmes? Ne dit-on pas que les larmes, c'est le sang du coeur? N'est-ce pas comme le sang de Jésus qui coule abondamment des yeux de Notre Mère et serions-nous ingrats au point de n'en être pas touchés? Parle, O France, et debout, encore une fois, pour lever l'étendard du salut par la réparation, par le sacrifice et par la prière. Par cet acte éclatant et sublime où, courbant le front dans la poussière, nous rendrions au Christ-Roi, à Jésus-Hostie présent dans le Très Saint Sacrament, toutes les adorations et honneurs qui lui sont dus.
Seuls, nous sommes impuissants, mais par Marie notre Bonne Mère, par celle qui a tant pleuré sur nos misères, nous retournerons à Jésus si outragé. Nos âmes ne veulent plus descendre mais monter. Désormais, c'en est assez du terre à terre. Soutenus, comme par la main, par cette Mère si miséricordieuse, nous quitterons cette plaine de misères, témoins de tant de larmes et d'agonies, pour gravir la Montagne Sainte où notre Divine Mère du Ciel a pleuré pour la première fois; et là, à ses pieds, une fois encore, nous nous prosternerons le front dans la poussière, pour jeter ce cri: "Pardon, mon Dieu! Pardon pour la France!" Puis levant l'étendard de la France coupable mais repentante et purifiée, nous chanterons "Gloire à Dieu au plus haut des Cieux! Gloire, amour, louanges à Marie, notre Mère, notre Libératrice, notre Souveraine à toujours, à jamais!
Voilà, cher Monsieur, ce qu'une petite servante de Marie voulait vous dire depuis longtemps. Je sais que je n'ai pas besoin d'activer votre zèle pour faire connaître cette Mère bien-aimée qui a tant pleuré ici. Pourriez-vous lui refuser de travailler pour elle, d'être son serviteur, son esclave le plus fidèle, Elle qui ne cesse de vous combler de tant de bienfaits?
Je lui demande de vous bénir et veuillez agréer, je vous prie, cher Monsieur, mes sentiments les plus respecueux dans le Christ-Jésus.

Marie Mesmin
26, boulevard du Bouscat - Bordeaux

Bien entendu, Marie Mesmin qui ne savait ni lire ni écrire ne pouvait écrire elle-même les lettres qu'elle envoyait; elle dictait ses lettres à une secrétaire, Mademoiselle Marie Bourlet, ancienne religieuse victime de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Mademoiselle Bourlet s'était donnée toute entière à l'oeuvre de Notre-Dame des Pleurs. Marie Mesmin se contentait de signer ses lettres en ajoutant: esclave de Marie. Ce sont les seuls mots qu'elle ait jamais su écrire. Cette lettre à M. Ollagnier que nous venons de citer, ainsi que toutes les autres, ont donc été écrites par Mademoiselle Bourlet, sous la dictée de Marie Mesmin.

Gilles Lameire: La Vierge en pleurs de Bordeaux, pp. 137-143

lundi, janvier 15, 2007

Les trois Ave Maria fleuris

Au début (1909) des révélations à Marie Mesmin (Bordeaux) la Sainte Vierge invita à réciter chaque jour en son honneur, trois Ave Maria comme il suit:

Je vous salue Marie, lys de pureté, je vous salue Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de vos entrailles est bénie. Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.

Je vous salue Marie, violette d'humilité, je vous salue Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de vos entrailles est bénie. Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.

Je vous salue Marie, rose de charité, je vous salue Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de vos entrailles est bénie. Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.
A chaque Ave Maria la Sainte Vierge est comparée à une fleur. Plus tard, une lettre aux groupes de Notre-Dame des Pleurs demandera d'offrir ces trois Ave Maria pour demander la pureté d'âme et de corps, pour le retour des âmes à Dieu, pour la conversion des pécheurs et pour les âmes du Purgatoire.

dimanche, janvier 14, 2007

La Basilique de Montligeon

Quelle est la signification particulière du Sanctuaire de Montligeon dans l'Eglise d'aujourd'hui?

C'est une question importante. Dans le bruit des contestations et dans la vague actuelle qui a déjà dévasté bien des structures anciennes, quel est le sens de notre Sanctuaire et quelles sont ses chances d'avenir?

Il me semble absolument certain que la Basilique de Montligeon aura - demain encore plus qu'aujourd'hui ou qu'hier - une triple mission à remplir:


  • Les églises de campagne se vident, les offices y sont moins vivants et moins réguliers, les chrétiens recherchent des lieux de rassemblement où ils pourront ranimer leur Foi et affirmer leur appartenance à l'Eglise, dans des célébrations plus festives et plus communautaires. Montligeon sera un de ces hauts lieux spirituels attirant vers lui, plusieurs fois par an, les foules avides d'une rencontre avec Dieu et avec leurs frères.
  • Monligeon a aussi un but plus spécifique. C'est le seul lieu de Pèlerinage en France où le visiteur entend en priorité l'annonce des vérités chrétiennes sur la destinée éternelle de l'homme. A une époque où le matérialisme ambiant enferme les hommes dans les horizons terrestres, il est plus nécessaire que jamais de rappeler aux pèlerins que nous ne sommes ici-bas que "passagers et voyageurs en transit", et de rappler aux foules, comme Moïse au peuple errant dans le désert, que notre marche a un sens, et qu'elle débouche sur notre Terre promise. Montligeon est donc avant tout le pèlerinage où les chrétiens viennent proclamer ensemble leur Foi et leur Espérance en la Vie Eternelle.
  • Dans le tumulte des bouleversements et des secousses qui laissent enfin beaucoup de croyants dans le désarroi, Montligeon veut être comme un "point fixe", comme un rocher solide auquel chacun peut s'accrocher et se sentir en sécurité. C'est un fait que déjà beaucoup de chrétiens se tournent vers nous pour entendre le langage de la fidélité à la Foi de toujours. Il ne suffit pas d'être des chrétiens en recherche (c'est vrai qu'on n'a jamais fini d'explorer l'Evangile ni de découvrir la présence de Dieu dans le monde); il faut plus que jamais proclamer nos certitudes et annoncer bien haut les vérités du Credo que les Apôtres nous ont léguées... et que Paul VI a si bien traduites dans la Profession de Foi qui porte désormais son nom.

Mgr André LECOQ, Directeur de l'Oeuvre N.-D. de Montligeon

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 11 - Chapitre VI (2)

Louis VII ne le cède point à ses ancêtres quant à la dévotion à Marie: il vient en pèlerinage à Longpont en 1140; accorde à l'évêque de Senlis des Lettres patentes lui permettant de faire appel aux fidèles du royaume pour la reconstruction de l'Eglise N.-D. incendiée, ce qui permit d'y rétablir le culte en 1170; il y ajoute une lampe et la rente nécessaire pour qu'elle brûle perpétuellement devant l'autel de Marie. La même année avec la Reine, Adèle de Champagne, il fonde l'abbaye de N.-D. de Montétis près de Brie Comte Robert. Dans le château de Fontainebleau se trouve la chapelle érigée par lui et consacrée par Saint-Thomas de Cantorbery. (1). Enfin, son amour pour Notre-Dame devient bien plus tendre encore quand il obtient - dans un âge avancé - un fils, si longtemps espéré et que Marie le sauve quelques années plus tard d'une maladie qui avait failli l'emporter. Il construit en reconnaissance l'abbaye de N.-D. de Barbeaux où il voulut être enterré. (2). Avant de partir pour la Croisade, il avait placé sa personne et son Royaume sous la protection de Marie et avait dans ce but fait le pèlerinage de Liesse et celui du Puy.
Philippe-Auguste, qui devait sa naissance à Marie, aime à fréquenter ses pèlerinages: Chartres, Le Puy, N.-D. de Boulogne, N.-D. la Fleury, etc. ... Il comble de ses dons l'abbaye de N.-D. de Preuilly près de Provins, reconstruit N.-D. de Nanteuil en reconnaissance de la prise de Montrichard, et, parce que Marie lui avait accordé une pluie abondante pour désaltérer son armée qui se mourait de soif alors qu'il combattait les Anglais. (3). Enfin, Philippe-Auguste pose la première pierre de l'actuelle cathédrale Notre-Dame de Paris, à la construction de laquelle il consacre des sommes très importantes et c'est en partie grâce à sa munificence royale que la cathédrale de Chartres, après l'incendie de 1194, put être reconstruite.
Sans héritier pour la Couronne, il met sa confiance en Marie à qui il doit la vie et la Reine Isabelle vient en pèlerinage à Chartres, ils obtiennent en 1187 la naissance de celui qui sera le Père de Saint-Louis.
Cette grande grâce accordée, Marie va multiplier les preuves éclatantes de sa prédilection pour le Roi de France, dans trois circonstances mémorables qui assurent la victoire et le salut du Royaume:
Alors que Philippe-Auguste et le Roi d'Angleterre sont aux prises pour la possession du duché d'Aquitaine, le 24 Juin 1187, N.-D. des Miracles de Déols intervient. Depuis plusieurs jours le roi de France ayant vainement cherché à engager des négociations de paix, prend "le parti de livrer bataille pour terminer enfin une si longue guerre par une action décisive. Les habitants de Déols, effrayés de la lutte acharnée qui était au moment de s'engager, vont se prosterner davant l'image de Marie et la supplient d'empêcher l'effusion du sang. Pendant qu'ils priaient les deux armées étaient en présence et en bel ordre de bataille; le signal du combat allait sonner; lorsque tout à coup le roi d'Angleterre, converti à des dispositions pacifiques, s'avance avec son fils, demande à parler à Philippe-Auguste. Celui-ci se présente; le roi lui déclare qu'il accepte les conditions proposées dans les négociations précédentes, et la paix est signée. Une nouvelle si inattendue produit un saisissement général, rois et seigneurs, peuple et soldats, tous reconnaissent un miracle dans ce changement subit de dispositions au moment même où les colères étaient plus exaltées et le combat près de se livrer. Un même sentiment d'admiration les rassemble autour de l'image de Marie pour la bénir, il n'y a plus d'ennemis, Français et Anglais tous ne font qu'une famille de frères devant le Mère commune qui les a protégés et sauvé de la mort." (4)
"En l'année MCXCVIII Philippe-Auguste, ayant résolu de secourir Gisors que menaçais Richard Coeur de Lion, et fidèle au serment qu'il avait fait de ne pas fuir devant son vassal, venait de s'ouvrir un passage à traves l'armée ennemie, lorsque le pont qui donnait entrée dans la ville se rompit sous lui. Précipité dans l'Epte, il invoqua la Vierge Mère de Dieu, dont une statue ornait le pont, et, échappé au péril, il fut reçu dans la ville. En témoignage de sa reconnaissance, Philippe fit dorer le pont et la statue de Marie à la protection de laquelle il avait eu recours au moment du danger." (5).
En 1214, la situation est tragique pour la France, elle est encerclée, en Poitou par les Anglais menaçants, au nord par l'Empereur Othon qui l'envahit avec deux cent mille hommes pour ravir sa couronne à Philippe-Auguste. Ne négligeant pas les facteurs d'ordre spirituel et sachant que son ennemi - excommunié depuis peu - compte écraser la France pour pouvoir se retourner ensuite contre le Pape et l'Eglise, le Roi met toute sa confiance en Dieu et fait appel à toutes les paroisses de France. 60.000 hommes répondent. Il va à Saint Denis, communie, prend la "Sainte Oriflamme" et marche à l'ennemi. Le matin de Bouvines, sentant toute la gravité de l'heure, "notre Philippe-Auguste, après s'être voué à la Sainte Vierge..." (6), fait déployer l'Oriflamme et met en pleine déroute un ennemi plus de trois fois supérieur en nombre. L'Eglise et la France sont sauvées. Le roi envoie immédiatement un messager à son Fils, Louis au coeur de Lion, qui commande l'armée contre les Anglais en Poitou. De son côté, l'héritier du Trône, victorieux, envoie un messager à son Père: les deux envoyés se rencontrent aux portes de Senlis. A l'endroit même de cette mémorable rencontre, le roi fonde l'abbay de la Victoire consacrée à Marie et fait faire une statue de N.-D. de la Victoire de Bouvines. (7). Lors de sa rentrée triomphale à Paris, Philippe-Auguste vient à Notre-Dame se prosterner devant la Mère de Dieu pour lui faire hommage du succès de ses armes et lui témoigner sa reconnaissance.
Après tant de bienfaits, le Roi veut que son coeur soit déposé dans un sanctuaire de Marie. Il choisit N.-D. de Mantes dont l'un de ses oncles paternels avait été l'Abbé.
C'est sous ce règne, particulièrement glorieux pour l'Eglise et pour la France, que Marie inspire - en France - la fondation de deux grands ordres religieux. En 1197, dans le sanctuaire de N.-D. de Limon, Jean de Matha se sent appelé à fonder les Trinitaires destinés à racheter les chrétiens réduits en esclavage par les Maures qui ravagent les côtes de la Méditerranée. Pour réaliser cette oeuvre grandiose, il fait appel à un Prince de la Maison de France, Félix de Valois; tous deux furent canonisés.
Un peu plus tard, en 1206, étant à N.-D. de Prouille, Saint Dominique voit par trois fois un globe de feu descendre du ciel et comprend que Marie veut qu'il établisse là le berceaux de son ordre. Quelques années après, alors que Simon de Montfort luttait par les armes contre l'hérésie des Albigeois, sans parvenir à vaincre leur chef, le Compte de Toulouse, pendant la bataille décisive qui se livrait, Marie apparut dans la chapelle N.-D. de Saint-Jacques de Muret à Saint Dominique "qui était en prière avec les sept évêques et les deux abbés composant le conseil du légat, et lui remit un rosaire... le premier de ces fruits fut la fin de la guerre des Albigeois, leur défaite commença à l'instant même et ils durent aussitôt désespérer de leur cause. Saint Dominique frappé du merveilleux effet de cette prière, établit la confrérie du Rosaire dans une des chapelles de l'Eglise de Muret". (8)
Marie n'avait pas voulu que cette couronne d'Ave qu'est le Rosaire surgit ailleurs que sur notre terre de France parce que "nulle main plus filiale que celle de la France ne pouvait la poser sur le front de Sa Reine." (9). Blanche de Castille s'y associa avec empressement et dut à cette nouvelle dévotion la naissance de son fils, Saint Louis.
Une fois de plus Marie avait triomphé de l'hérésie et la France avait été son auxiliaire.
Louis VIII continue tous les bienfaits de son Père aux églises et monastères dédiés à Marie, notamment à N.-D. de Plaisance près de Montmorillon et met sous les auspices de N.-D. de Rocamadour la paix des grands pour obtenir leur concours dans la croisade contre les Albigeois au cours de laquelle il contracte une maladie qui l'emporte après un Règne de trois ans. Par testament, il ordonne, que tous ses joyaux, bijoux et objets personnels soient vendus pour fonder un monastère en l'honneur de la Reine du Ciel. Ce voeu fut pieusement exécuté par Blanche de Castille et par son fils Saint Louis qui élevèrent l'Abbaye Royale de N.-D. de Royaumont, une des merveilles du genre. (10).

(1) Hamon I, 318.
(2) Hamon, id. I, 317.
Le Roi envoya éalement un ex-voto de reconnaissance à N.-D. du Bon Conseil, sur la colline de Fourvières.
(3) Hamon, id. I, 150
(4) Labbe: Bibliotheca nova - Chronique de Déols. - Hamon op. cit. II, 43 et 44.
(5) Inscription du socle de la Vierge dorée du pont de Gisors.
En outre un vitrail de l'église de Gisors représent Philippe-Auguste sur le point de se noyer dans l'Epte, poursuivi par les Anglais et sauvé miraculeursement après avoir imploré la Sainte Vierge, dont la statue se trouvait au dessus du pont rompu.
(6) Sébastien Rouillard: Parthénie, chap. VI - 1609.
(7) Lettres Patentes Royales du 12 mars 1222. Voir dans le chapitre XVIII le passage relatif à la dévotion du maréchal Foch pendant la guerre, à N.-D. de Bouvines, à Senlis.
(8) Hamon op. cit. III, 276.
(9) R. P. Lépicier: "Marie Reine de France" dans le messager de la T. Ste Vierge, Nov. Déc. 1936 - N.-D. de Beauregard, par Orgon (B.-du-R.).
(10) Duclos: Histoire de Royaumont, sa fondation par St-Louis. Paris. Douniol 1867, Tome I, p. 30, et charte de fondation en 1228 de P. 37 à 42.

samedi, janvier 13, 2007

Saint François de Sales, Evêque de Genève, Docteur de l'Eglise, 1567 - 1622

Seigneur Dieu, vous voulez que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Envoyez, nous vous en prions, des ouvriers à votre moisson, et donnez leur de prêcher votre parole en toute assurance, afin que l'Evangile se propage et montre sa splendeur, et que tous les peuples vous reconnaissent, vous, le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ, votre fils, notre Seigneur.

(Oraison de la messe pour la Propagation de la Foi.)
"Procure des Missions", 6, chemin du Bac, Petit-Lancy (Genève)

lundi, janvier 08, 2007

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 11 - Chapitre VI (1)

Marie et les premiers Capétiens

Marie connaissait le culte profond que Lui rendait, depuis des générations, la troisième branche de la Race Royale. Déjà, au temps des Mérovingiens, Hildebrand, frère de Charles Martel et chef de la lignée des Capétiens, avait mis sa confiance dans la Vierge, lors d'une bataille contre les Barbares, et sa foi ayant été récompensée par la victoire, avait tenu à laisser un témoignage de sa reconnaissance par la fondation de N.-D. d'Aubune non loin d'Avignon.
Un siècle et demi après, en 888, c'est Eudes qui, venant à Reims au-devant des envoyés du Roi Arnoul, fils de Carloman, recevoir la couronne qu'ils lui apportent de la part de leur maître, ne veut la mettre sur sa tête que dans l'Eglise de N.-D. de Reims où le peuple l'acclamera Roi, pour bien manifester qu'il ne tient son pouvoir que de Marie (1). Un peu plus tard c'est un autre Roi de cette branche, Raoul, qui accorde de précieuses immunités à l'Eglise de N.-D. du Puy (2).
Enfin, Marie associe Hugues le Grand, père de Hugues Capet, à la guérison miraculeuse du Mal des Ardents qui ravage l'Ile de France. En effet, seuls, furent sauvés les malades qui vinrent se réfugier dans l'insigne basilique Notre-Dame de Paris, et y restèrent un temps suffisant à l'abri de la contagion. Marie rendait la santé, et le prince franc voulut prendre à sa charge non seulement la nourriture de tous ces malheureux, mais encore pourvoir à tous leurs autres besoins pendant tout le temps que dura la terrible épidémie. (3).
C'est ainsi que Marie préparait la troisième branche Royale à règner en l'associant à son oeuvre de pitié et de miséricorde. Aussi en 987, quand les Carolingiens s'étant montrés inférieurs à leur tâche, le choix divin se parta sur Hugues Capet, la Reine du ciel tint-elle à ce que cette élection eut lieu chez Elle, dans un cloître qui lui était consacré: à Mont Notre-Dame. - Quel admirable symbolisme dans ce nom! - Marie venait de présider au choix divin. Pouvait-elle mieux faire pour son Peuple de prédilection et pour la Race royale Elle-même que de placer sur le trône la branche dont Saint-Louis devait sortir pour illuminer le Monde de ses vertus et incarner le modèle admirable du Roi très chrétien.
Dès lors, les Capétiens aimèrent à appeler Marie: l'Etoile de leur Royaume!
"L'Eglise Notre-Dame (de Paris) était l'objet et la prédilection de ces Princes, et la première dans leur estime entre toutes les églises du Royaume. Son cloître était l'école première où ils aimaient à placer les Enfants de France, comme sous l'oeil et dans le sein de Marie, qu'ils estimaient une mère meilleure que toutes les mères selon la nature. Là, les Héritiers du Trône, étaient formés aux vertus chrétiennes, initiés aux lettres humaines et aux connaissances qui convenaient à leur position, et les charmes de cette première éducation leur demeuraient dans l'âme toute la vie come un doux souvenir. (4). C'est ce que nous apprend Louis VII dans une Ordonnance de l'année 1155 par laquelle il accorde l'exemption de redevances à l'Eglise N.-D. de Paris "dans le sein de laquelle comme dans une sorte de giron maternel, Nous avons passé les moments de notre enfance et de notre première jeunesse, pour cette église spécialement chère à nos prédécesseurs..." (5)"
C'est dans les spacieuses enceintes de cette grande basilique qu'ont eu lieu dans tous les siècles les baptêmes, les mariages et les funérailles des souverains. C'est là qu'au retour de leurs exploits guerriers nos Rois sont toujours venus remercier Dieu et Marie du succès de leurs armes, et se sont plus en cent autres circonstance à Lui offrir un des plus grands hommages qui puissent Lui être faits sur cette terre: l'hommage DU PLUS BEAU ROYAUME APRÈS CELUI DU CIEL." (6).
A la mort de Hugues Capet, certains seigneurs voulant refuser la Couronne à son fils, Robert, il fut décidé qu'un combat en champs clos trancherait le débat. Marie intervint encore pour assurer l'application du CHOIX DIVIN et de la Loi Salique. Au Compte d'Anjou, qui devait combattre pour la défense des droits du Roi légitime, la Reine confia une relique précieuse entre toutes que conservaient pieusement les Rois de France depuis qu'elle était entrée en leur possession: la ceinture de la Vierge, donnée par l'Impérarice de Constantinople, Irène, à l'Empereur Charlemagne; le champion du sang Royal s'en ceignit, comme d'une cuirasse protectrice; sa confiance ne fut pas trompée: la ceinture de Marie lui assura la victoire en même temps que le maintien des Capétiens sur le trône où Marie les avait placés. (7).
Robert le Pieux n'eut plus de compétiteurs et put ainsi monter sur le Trône. Pendant les trente-cinq ans de son règne il fit tout ce qui était en son pouvoir pour manifester sa reconnaissance à Marie: pose de la première pierre de N.-D. de Longpont, fondation de la collégiale de N.-D. de Melun; reconstruction de N.-D. de Bonne Nouvelle d'Orléans; construction par la Reine Berthe de N.-D. de Fresnay et de N.-D. de Ségrie; reconstruction par la reine Ermengarde, seconde femme du Roi, de N.-D. de Talloires, etc.... (8) Enfin, voulant par une manifestation éclatante de son amour pour la Reine du Ciel contribuer à Lui rendre hommage, le 8 septembre 1022, sous le nom d'Ordre de Notre-Dame de l'Etoile, il relève l'ordre fondé par Charles Martel après la bataille de Poitiers, imposant à tous les Chevaliers qui en seraient membres la récitation quotidienne de cinquante Ave Maria. Cet ordre devint le prototype de tous les ordres qui furent fondés dans la suite. (9).
Tant de piété ne devait pas rester sans témoignage de bienveillance de la part de Marie. Alors que les Rois de France guérissaient miraculeusement les écrouelles après leur sacre (10), Robert le Pieux eut le privilège exceptionnel de guérir miraculeusement d'autres maladies: pendant le carême qui précéda sa mort (1031), le Roi visita les malades, et notamment les lépreux, il leur baisa la main, les toucha et les guérit en faisant le signe de la croix. C'est ce qu'affirme le moine Helgand, son historien (11).
Le Roi aimait à composer des hymnes; certaines ont eu l'honneur d'être adoptées par l'Eglise, entre autres "l'Ave Maris Stella".
Son fils, Henri I, fait acte de royale bienfaisance en faveur de N.-D. d'Etampes en 1046 et deux ans plus tard en faveur de N.-D. de Chartres dont la nouvelle basilique vient d'être consacrée. Il s'en déclare l'avoué et le protecteur. (12).
Philippe I, le jour de son sacre, 22 Mai 1059, fête de la Pentecôte, signe une ordonnance en faveur de l'Eglise N.-D. de Reims et des églises et abbayes de ce comté et voulut être enterré dans un monastère dédié à Marie: N.-D. la Fleury à Saint-Benoît sur Loire (13). C'est sous son règne que le Pape français Urbain II vint en France pour prêcher la Croisade. De N.-D. du Puy, le 15 Août, il convoqua le Concile de Clermont. C'est là, sous l'oeil de Notre-Dame du Port, qu'il enflamme les coeurs français et les entraîne à la délivrance du Saint Sépulcre (14). Le Roi favorise la croisade dont son frère, Hugues de Vermandois, devient l'un des chefs. Marie ne pouvait pas être étrangère à ce grand mouvement de foi et d'enthousiasme qui, parti de France, entraîna le reste du monde chrétien.
Louis VI le Gros voulant châtier l'insolence de Thibaud IV, Comte de Chartres, par respect et dévotion pour N.-D. ne veut pas entrer dans la ville en guerrier, mais en pèlerin; en souvenir de son beau-frère, Charles le Bon, Compte de Flandre, assassiné à Bruges, il fonde l'abbaye de N.-D. de Chaalis qui grâce à ses libéralités et à celles de ses successeurs, devient l'une des plus importantes du Royaume; il donne à l'abbaye de Saint-Benoît sur Loire la chapelle de N.-D. de Lépinay en 1130 et la même année de concert avec la reine, Adélaïde de Savoie, achète le monastère et l'église Sainte Marie de Montmartre, y installe les bénédictins et veut que cette chapelle soit consacrée à Marie. (15).
C'est l'époque des grandes fondations monastiques: Cluny fondé par Guillaume le Pieux duc d'Aquitaine en 910, est en pleine gloire. Saint Bruno donne naissance à la Chartreuse; Robert d'Arbrisselles à Fontevrault; Norbert aux Prémontrés; Saint Etienne à Grandmont; Saint Robert et Saint Jean Gualbert à plusieurs autres congrégations; enfin va surgir une nouvelle branche bénédictine qui va restaurer le véritable esprit de la règle primitive qui s'était relachée à Cluny. Citeaux avec Robert de Molesmes en 1098.
Au bout de quelques années, la nouvelle fondation, ravagée par une épidémie allait disparaître - tant le nombre des victimes avait été grand - lorsque parut celui que la Providence destinait non seulement à donner à Citeaux une incomparable gloire et une prospérité sans égale, mais encore à illuminer le monde de ses lumières et de ses vertus: Saint Bernard, qui se présenta au monastère avec les trente compagnons qu'il avait convertis et amenés à la vie religieuse. Trois ans après, il était nommé abbé d'une nouvelle fondation: Clairvaux et le développement qu'il allait donner à son Ordre fut tel que, de son vivant même, son abbaye, à elle seule, compta 68 filiales réparties en France, en Angleterre, en Allemagne, en Italie et en Espagne et que très rapidement l'Ordre devait peupler le monde de ses couvents.
L'influence du saint Abbé s'étendit sur les autres branches bénédictines: il obtint la réforme de Saint Denis avec Suger et de Cluny avec Pierre le Vénérable. Il rappelle le clergé à sa mission dans son sermon "De conversione ad clericos"; les évêques sont morigénés dans son traité "De moribus et officio episcoporum". Il intervient auprès de Louis VI le Gros et de Louis VII le Jeune, Rois de France. Il termine le schisme des antipapes Anaclet II et Victor IV en faisant rentrer ce dernier sous la juridiction d'Innocent II. Son disciple, Bernard de Pise, montant sur le Trône Pontifical, sous le nom d'Eugène III, lui donne l'occasion d'écrire son admirable traité "De consideratione" sur les devoirs de la Papauté, ouvrage qui deviendra le livre de chevet des Papes. Son action s'excerça jusqu'en orient: Hugues de Payus, fondateur des Templiers, ayant demandé son appui à Saint Bernard, celui-ci lui adresse le "De laude novae militiae"; puis, à la mort de Foulques, roi de Jérusalem, en 1143, il donne d'éminants conseils à la Reine Mélisende pendant la minorité du jeune Baudouin II. Enfin, après la prise d'Edesse qui menaçait le Royaume Chrétien de Jérusalem, convoqué à Vezelay, il y lut la Bulle Pontificale prescrivant la Croisade, et, par son discours enflammé et sa prédication, non seulement en France mais en Allemagne, il entraîna à la Croisade Louis VII, Roi de France et Conrad III, Empereur d'Allemagne. Il obtint même des concours jusqu'en Pologne et en Danemark. Contre l'hérésie, son action ne fut pas moins efficace, notamment contre Pierre Abélard, Arnold de Brescia, les Henriciens d'Albi et les néo-manichéens de Cologne et Chalons. "Il avait ce tact prompt et sûr, ce sens mystérieux de la piété et de la vérité qui découvre au premier abord les plus légères déviations de l'enseignement catholique" écrit le P. Ratisbonne.
Mais, par dessus tout, Saint Bernard fut le grand chantre et le grand théologien tout à la fois de l'amour de Dieu et des prérogatives de la Vierge. Il démontra que, parce qu'Elle est Mère de Dieu, Marie a reçu "la plénitude de tout bien"; que cette plénitude fait notre richesse, car "pleine de grâce pour Elle-même, Elle est pour nous surpleine et surabondante", la médiatrice et la dispensatrice de toute grâce: "la volonté de Dieu est que nous ayons tout par Marie... Le Fils exaucera sa Mère, et le Père exaucera son Fils; mes petits enfants, voilà l'échelle des pécheurs; c'est là ma suprême confiance, c'est la raison de toute mon espérance" et, dans un transport d'amour confiant, il composa son touchant et sublîme "Memorare".
Saint Bernard mérita le titre de "Docteur aux lèvres de miel". Il lui était réservé de clore la glorieuse liste des Pères de l'église et d'être "aussi grand que les plus grands d'entre eux". Pie VIII, en 1830, lui conféra le titre officiel de Docteur de l'Eglise." (16).

mardi, janvier 02, 2007

La Vierge Marie dans l'Histoire de France - 10 - Chapitre V

La Vierge Marie et les Carolingiens

Marie a toujours été victorieuse des hérésies et l'on peut dire - sans crainte d'erreur - que jamais une hérésie quelconque n'a été vaincue sans son intervention:
Une première fois déjà la vierge avait suscité la France et son Roi, Clovis, pour briser l'hérésie arienne à Vouillé et sauver l'Eglise.
Deux siècles et demi plus tard, les hordes de l'Islam s'avancent de toutes parts comme un torrent dévastateur et semblent devoir submerger l'Europe. Elles campent déjà dans les plaines de Poitiers, où, sûres de leur victoire, elles se livrent dans leur camp aux orgies les plus immondes.
Elles comptent sans Marie: Pour sauver la civilisation chrétienne menacée de fond en comble, la Reine du Ciel fait de nouveau appel à la Race Royale des Francs; elle suscite Charles Martel qui continue les "Gestes de Dieu".
Les soldats chrétiens, à l'exemple de leur chef, loin d'imiter les sectateurs de Mahomet dans leurs débauches, se préparent noblement au combat. Bouniol trace de leur camp la description suivante:
"Là, point de chants folâtres, point de musique voluptueuse, point de banquets ni de fêtes; mais le silence austère et un calme qui avait quelque chose de formidable. Les soldats échangeaient des paroles rares, en hommes préoccupés de graves pensées; on en voyait d'autres, en plus grand nombre, se presser autour des tentes surmontées de la croix, indiquant que là se trouvaient les prêtres. En maints endroits aussi, les guerriers s'empressaient pour élever et décorer des autels.
"Bien avant que le soleil lançat ses premiers rayons, à ces autels, les évêques et les prêtres disaient la messe et les soldats en foule s'agenouillaient pour recevoir le Pain des forts, la Sainte Eucharistie.
"Charles Martel et ses leudes donnaient l'exemple: on les vit tour à tour communier avec ferveur. Le fils de Pépin, devant l'immensité du péril, grandissait avec sa mission... Aussi, quand après la communion il fut certain qu'il n'était plus seul, qu'il portait le Dieu vivant dans son coeur, il se leva sentant en lui-même une force nouvelle, inouïe, surhumaine; et sa sublime confiance, son indomptable énergie se trahit dans l'éclaire de son regard.
"À la vue de cette flamme qui sortait de ses yeux et de son visage rayonnant d'une sainte audace, il y eut comme un frémissement parmi les leudes, et tous, par un élan involontaire, battant des mains l'acclamèrent par ce cri:
"Vive le bon Charles! Honneur et victoire au chef des Francs!
"Vive le Seigneur! Vive son Christ! dit le héros, par Lui seul on est victorieux!" (1).
Alors, "Charles Martel fond sur les Sarrazins avec toute la furia francese, les bat, les broie, des écrase, comme avec un marteau, dans les champs de Poitiers". (2).
Une fois encore, Marie, de son pied virginal avait triomphé de l'hérésie et la Race Royale des Francs de nouveau avait été son instrument pour écraser le serpent infernal.
Le triomphe avait été obtenu un samedi, jour de la Vierge (3).
Charles Martel attribua sa victoire de Poitiers à Marie. Un an auparavant, la Vierge déjà lui avait donné la victoire lors du siège d'Avignon: Dès l'aube du jour, Charles avait fait célébrer le Saint Sacrifice dans sa tente et reçu la Sainte Communion. Puis à la tête de ses troupes, il avait mis en pleine déroute l'armée ennemie et s'était emparé de cette ville. Pour en remercier Dieu et Marie, il fit célébrer de nouveau les saints Mystères à l'endroit même où la bataille avait prit fin. (4).
Marie bénit spécialement les descendants de Charles Martel: son fils Pépin le Bref monte sur le trône. Il tient à mettre sa couronne sous la protection de la Reine du Ciel et ne veut être sacré que dans une église dédiée à la Vierge. Le Pape vient le sacrer comme étant le Prince le plus digne de régner. En reconnaissance, il vole au secours du Pontife; avec son armée il sert de rempart à l'Eglise quand elle est attaquée, son épée lui assure la victoire et la liberté. Il constitue le Domaine Temporel du Saint Siège, seul gage réel et certain de son indépendance.
La protection mariale ne tarde pas à se manifester, un jour que le Roi s'est égaré à la chasse - dans les forêts profondes de la Tarentaise, aux pieds des glaciers - et désespère de trouver un chemin, tout à coup, le son argentin d'une petite cloche se fait entendre. C'est le salut. Le tintement dirige ses pas; il arrive à un petit ermitage. Le modeste oratoire est dédié à Marie. Avec ferveur et reconnaissance, il prie aux pieds de la madone rustiquement sculptée et y dépose sa toque brodée d'or et ornée de pierreries. Rentré dans son palais, il fait reconstruire la petite chapelle qui depuis lors devient le pèlerinage de N.-D. des Vernettes sur Pesey (5).
Il avait fondé N.-D. de la chaussée en 756 à Valenciennes.
C'est à lui également qu'on doit la fondation de l'abbaye de Sainte-Marie de Sorèze qui devint célèbre au XVIIe siècle quand Louis XIV y installa l'École Militaire des Officiers.
A Pépin, Marie accorda un fils qui devait être si grand que "la grandeur a pénétré jusqu'à son nom: Charlemagne.".
Dès sa plus tendre enfance, Charles a une dévotion profonde à la Sainte Vierge. Aussi, ne cesse-t-il, au cours de son très long règne de développer dans ses Etats le culte de la Reine du ciel. Il ne se contente pas de fréquenter les principaux pèlerinages de la Vierge: Chartres, Rocamadour où il va avec Rolland, Le Puy, dont il fait l'un des trois points du Royaume où les fidèles peuvent acquitter le Denier de Saint-Pierre. Il fait des dons importants à N.-D. de Moutiers, accorde à N.-D. de Condat à Libourne une épine de la Sainte Couronne; il restaure N.-D. des Doms construite par Sainte Marthe et où Saint-Denis et Saint-Rémi sont venus en pèlerinage; les Sarrazins ayant détruit N.-D. des Alyscamps à Arles, fondée par Saint-Trophyme et dédiée "à la Vierge encore vivante", il la reconstruit. Le nombre d'églises et d'abbayes qu'il fonde sous le vocable de Marie est si grand que toutes nos provinces en possèdent plusieurs; citons notamment N.-D. de Ligueux entre Périgueux et Brantôme, N.-D. de Montuzet, près de Blaye, l'Abbaye de Notre-Dame la Fleurie à Figeac, celle de Notre-Dame de Camon près de Mirepoix; N.-D. de Piétat à Saint-Savin de Lavedan près d'Argelès, etc...
Ses armées n'ayant d'autre but que d'étendre la foi et de vaincre les païens, il les met sous la protection de Marie et place son image sur ses étendars, fonde, en partant combattre les Sarrazins, le Monastère de N.-D. de Trémolat, auquel il fait don de la "Sainte Chemise de l'Enfant Jésus" faite par la Sainte Vierge. Au cours de cette guerre, campant près de Foix, et "ayant vu dans la nuit une clarté éblouissante et une Dame rayonnante de beauté", il érige la chapelle de N.-D. de Sabart.
Victorieux des Sarrazins, il construit sur le lieu même de ses victoire N.-D. de Montgauzy, près de Foix et N.-D. de Grâces, près de Nîmes où depuis lors, on prie pour les soldats tombés pour l'Eglise et la France (6).
C'est à ce moment que se place un fait capital tant pour l'éclosion des tendresses de Marie pour la France et, par la France pour le monde entier, que pour l'avenir du culte marial dans notre pays:
En 778, Charlemagne se trouve arrêté le long des Pyrénées devant un château-fort occupé par un prince Sarrazin nommé Mirat. De la prise de ce point stratégique dépend l'évangélisation de toutes les contrées environnantes. Plusieurs mois Mirat résiste à tous les aussauts; et, à toutes les sommations de se rendre, à toutes les propositions d'être fait comte et chevalier de Charlemagne et de conserver toutes ses possessions s'il reçoit le baptême, il répond fièrement: "Je ne connais aucun mortel au-dessus de moi et je préfèrerai la mort à la honte d'une capitulation".
Découragé, Charlemagne allait lever le siège quand son aumônier, l'Evêque du Puy, implore avec ferveur Notre-Dame du Puy. Ses prières ne tardent pas à être exaucées, la Vierge intervient enfin, mais "de telle façon qu'elle seule a l'honneur et les avantages de la victoire: "Un grand aigle ayant déposé devant le fort un énorme poisson, Mirat émerveillé du prodige, envoie le poisson à Charlemagne à qui le messager déclare: "Mon maître fait dire qu'il ne saurait craindre la famine; son vivier lui fournit de trop beaux poissons, il te fait présent de celui-là".
L'évêque du Puy obtient alors de monter à la citadelle en parlementaire: "Arrivé près de Mirat, il lui dit. "Puisque vous ne voulez pas vous rendre à Charlemagne, le plus grand des princes, puisqu'il ne vous plaît pas de l'avoir pour suzerain, reconnaissez au moins pour maîtresse la plus noble Dame qui fut jamais, Sainte Marie du Puy, Mère de Dieu. Je suis son serviteur, soyez son chevalier".
"Sans hésiter, Mirat déclara qu'il était prêt à rendre les armes au serviteur de Notre-Dame, à recevoir le baptême, à condition que son comté ne relève jamais, soit pour lui, soit pour ses descendants, qu d'Elle seule". (7). Charlemagne confirma l'accord.
Mirat reçut le baptême des mains de l'Evêque du Puy et prit dès lors le nom de Lorda qui s'est transformé en Lorde et en LOURDES (8). Plus de mille ans avant les appartions de la Vierge, Elle prenait possession de la terre privilégiée de Lourdes en faisait sa propriété, son bien, sa principauté, puisque le comté de Lourdes devenait ainsi par la volonté de son légitime propriétaire et l'accord du Roi de France fief de Notre-Dame du Puy. C'est ainsi que Charlemagne se trouve jouer un rôle à l'origine de l'histoire de Lourdes. Quoi de surprenant dès lors que Marie ait choisi son propre domaine pour descendre ici-bas et de là inonder la France et le monde entier de toutes ses grâces et de ses bénédictions!
Charlemagne avait placé sa gloire et son salut sous la protection de Notre-Dame dont il portait toujours l'image attachée à son cou par une chaîne d'or, et c'est à sa puissante intercession qu'il attribuait le succès de toutes ses entreprises. Aussi voulut-il laisser aux générations futures un témoignage éclatant de sa piété et de sa reconnaissance à Marie: la basilique d'Aix-la-Chapelle.
"Rien ne fut épargné pour rendre cet édifice l'un des plus beaux de l'univers. L'or, le marbre, le porphyre y furent prodigués, les plus précieuses reliques venues de palestine y furent renfermées et afin que rien ne manquât à la gloire de ce monument, l'Empereur invita le Pape Léon VII à venir le consacrer. Le pape se rendit volontiers au désir de Charlemagne et fit lui-même la cérémonie de la consécration, avec une magnificence extraordinaire, en présence de plus de trois cents évêques, archevêques, cardinaux et grands de l'Empire". (9).
C'est dans cette basilique qu'il avait voulue consacrée à Marie qu'il tint à "être couronné Roi des romains pour faire entendre que c'était en quelque sorte des mains de Marie qu'il tenait son sceptre et sa couronne... On croit communément que c'était d'après l'exemple donné par Charlemagne, qu'était venue la coutume qui s'observait autrefois de couronner les rois romains dans la chapelle et devant l'autel de la sainteté du lieu..." (10).
Eginhard, le grand historien contemporain de l'Empereur et son ministre, ajoute: "Il se rendait exactement à cette basilique pour les prières publiques le matin et le soir, et y allait même aux offices de la nuit et à l'heure du Saint Sacrifice, tant que sa santé le lui permettait; il veillait à ce que les cérémonies s'y fissent avec une grande décence; il recommandait sans cesse aux gardiens de ne pas souffrir qu'on y apportât ou qu'on y laissât rien de malpropre ou d'indigne de la Sainte Vierge". (11).
Le culte qu'il rendait à la Sainte Vierge lui inspira également celui du Saint Esprit et il composa en l'honneur de la Troisième personne de la Trinité cet admirable appel à la lumière divine qu'est le "VENI CREATOR SPIRITUS". (12). Son appel fut entendu, les magifiques Capitulaires de l'Empereur, où il décide que toutes les lois de l'Eglise seront lois de son Empire, en sont la preuve éclatante.
Sentant sa fin prochaine, l'Empereur, qui avait été si grand pendant sa vie, fut aussi grand devant la mort; confiant dans la Reine du Ciel, qu'il avait si bien servie, il voulut être enterré, une statue de Marie sur la poitrine, dans la basilique d'Aix-la-Chapelle qu'il avait édifiée en l'honneur de sa divine Protectrice.
Son fils, Louis le Débonnaire, auquel l'Empereur avait - ainsi qu'à tous ses autres enfants - inculqué l'amour de Marie, demeure toujours fidèle à cette dévotion. Il portait sans cesse sur lui l'image de la Vierge et souvent - même au cours de ses chasses - on le voyait se retirer à l'écart et prier à genoux devant cette image.
"En 816, il publia une Ordonnance autorisant le Comte Beggon, à restaurer le monastère de Saint-Maur des Fossés, contenant la Chapelle de Notre-Dame des Miracles. La tradition veut que ce sanctuaire marial ait été, comme celui de Notre-Dame des Ermites, à Einsiedeln, consacré par Notre-Seigneur lui-même. Louis accorda à Notre-Dame de Cambrai et aux territoires qui en dépendaient, l'immunité et donna pour le luminaire tout ce que le fisc en retirait comme impôt". (13).
Charles le Chauve à son tour continua cette tradition: il fit don à Notre-Dame de Chartres du voile de la Sainte Vierge, que l'Impératrice Irène de Constantinople avait envoyé à Charlemagne.
"Il aimait venir prier dans le sanctuaire de Notre-Dame du Marillais, au diocèse d'Angers. Il donna des privilèges et des richesses à l'Eglise Notre-Dame de la Daurade, à Toulouse. On lui attribue la construction du clocher octogonal du sanctuaire de Notre-Dame de Bethléem, à Ferrières, clocher qui s'écroula en 1739. Le 6 Mai 877, il dédia une abbaye (depuis l'abbaye de Saint Corneille), à Notre-Dame de Karlopole: Notre-Dame de Compiègne... Par ses dons abondants et la restitution des biens confisqueés auparavant à la mense archiépiscopale, il contribua à la construction de la cathédrale de Reims. En sa présence, l'archevêque Hincmar consacra la nouvelle église le 19 octobre 852, et les noms de ces deux bienfaiteurs furent gravés sur l'autel majeur détruit en 1746. Hincmar était grand dévôt de Marie, au point qu'on écrivit dans son épitaphe: Sis pia, cultori, sancta maria, tuo. "Sois, ô sainte Marie, douce à ton dévôt".
Louis le Bègue se fera enterrer dans l'église construite par son Père à Compiègne (14).
Après la déposition de Charles le Gros, son épouse, Sainte Richarde, parente de Sainte Odile, se réfugia en Alsace et fonda le monastère des bénédictines d'Andlau-au-Val et une église en l'honneur de Marie. "A son tombeau, dit un ancien bréviaire de Strasbourg, les aveugles voient, les boîteux marchent, les paralytiques sont guéris, les possédés sont délivrés, les malades de toutes sortes reçoivent du soulagement".

Depuis la mort de Charlemange, les incursions des Normands devenaient de plus en plus fréquentes, et ces nouveaux barbares détruisaient tout sur leur passage, pillant, incendiant, violant, égorgeant, etc.... Nulle part les populations n'étaient en sûreté. Une fois de plus Marie allait porter secours à son peuple:
En 885, lors du siège de Paris, l'Evêque Gauzelin, étant sur les remparts et assistant impuissant aux cruautés inouïes des barbares pirates, leva les mains vers Marie, secours des chrétiens et récita, en larmes, la prière suivante:
"Auguste Mère du Rédempteur et du salut du monde, Etoile radieuse de la mer qui effacez tous les astres par votre éclat, écoutez favorablement la prière du serviteur qui vous implore!". Ayant achevé sa prière, il prit un arc, tira une flèche sur le chef Normand qui roula dans la poussière. Les Normands épouvantés par la mort de leur chef, s'enfuirent. Paris était sauvée (15). A cette époque, la ville tout entière était consacrée à Marie.
Quelques années plus tard, en 911, Rollon, chef de ces pirates met le siège devant Chartres. L'évêque fait appel à Robert duc de France dont le Père c'est immortalisé contre ces nouveaux envahisseurs, à Richard duc de Bourgogne et à Eble, comte de Poitiers, qui répondent à son appel. Un samedi, jour de la Sainte Vierge, le 20 juillet, le pieux évêque ayant prié avec plus de ferveur et de confiance que jamais Notre-Dame, sort du trésor de sa cathédrale le voile de la Sainte Vierge, le porte lui-même en tête des troupes qui foncent sur les assiégeants. A la vue de cet étendard, les Normens pris de panique, perdent six mille huit cents des leurs et sont mis en pleine déroute. Marie avait sauvé la ville, Elle allait faire mieux encore: Rollon, très impressionné par la cause se sa défaite se retire sur Rouen, où il trouve le salut. Le Roi Charles le Simple prescrit à l'Archevêque de Rouen de proposer à Rollon de se convertir moyennant quoi il lui donnerait la province allant de l'Océan au cours de l'Audelle et la main de sa fille. Rollon accepte et reçoit le baptême. Par Marie, Rollon et les Normands avaient trouvé le chemin de Jésus. Un nouveau peuple entrait dans le giron de l'Eglise, les incursions des pirates cessèrent et la France recouvra la paix et la sécurité (16).
Une fois convertis, les Normands vont reconnaître Marie pour leur Reine et lui manifester une fidélité et une dévotion touchantes. Rollon, en l'honneur de Celle qu'il appelle Madame Sainte Marie, rebâtit N.-D. de Rouen où il voudra être enterré, enrichit N.-D. de Bayeux et dote N.-D. d'Evreux. Dans leurs courses aventureuses les Normands se comportent en chevaliers de Marie et lui font une large part de leur butin. Après avoir triomphé des Sarrazins, Tancrède et Robert Guiscard envoient à l'Evêque de Coutances, Geoffroy de Maubray, assez d'agent pour construire cette cathédrale Sainte Marie, dont Vauban disait "Quel est le fou sublime qui a jeté cette merveille dans les airs." (17).
Au cours de ces luttes héroïque, Marie avait suscité une nouvelle branche de la Race Royale des Francs, celle de Robert le Fort et des ducs de France, la préparant à monter sur le trône. Les Capétiens allaient dès lors donner au culte de Marie son plein épanouissement en France.
La branche carolingienne qui s'éteignait, n'avait pas été inférieure à celle des Mérovingiens quant à la sainteté. La Vie des Saints de Mgr Paul Guérin et les bollandistes mentionnent une quarantaine de Saints appartenant à la famille de Chalemagne.

(1) Bathild Bouniol: "La France Héroïque". Cité par l'abbé Périgaud: "Le Baptême de la France". Pp. 361 et 362.
(2) P. Ubald: "Les trois Frances". Pp. 477 et 478.
(3) Recueil des Hist. des Gaules et de la France: III, 316 E. (Annales du Moine de St-Gal); 318, c (Chronique de St Benigne), 701 (Annales des Francs de l'abbé du Four, etc. Hamon (IV 188) assure que cette bataille eut lieu le 8 septembre, ce qui aurait développé encore la célébrité de la fête de la nativité, mais les autres auteurs parlent d'octobre.
(4) C'est en souvenir de cette victoire d'Avignon que son petit-fils, Charlemagne, fit construire le sanctuaire de N.-D. de Rochefort et restaura la basilique de N.D. des Doms que la tradition dit avoir été consacrée par Notre-Seigneur lui-même au cours d'une apparition. Cette consécration miraculeuse est confirmée par deux bulles pontificales, celle de Jean XXII en 1316 et celle de Sixte IV en date du 21 Novembre 1475. (Voir Hamon: op. cit. VII, 5 et 6).
Peron-Vrau: dieu et la France, p. 71.
"Consécration miraculeuse de N.-D. des Doms", curieux mémoire publié à Maseille en 1862, chez Marius Olive, 5e édition.
Bories "La Royale couronne des Rois d'Arles" - Dom Mège: "La sainte Montagne de N.-D. de Grâce de Rochefort - Hamon: op. cit. VII, 101.
(5) M. Guillier Turgis: "Marie Reine de France", p. 150.
(6) Pour tous ces détails, voir: Hamon "Histoire du culte de la Sainte Vierge en France" en sept volumes et M. Guillier Turgis: "Marie Reine de France".
(7) P. Barrau de Lorde "Un miracle avant la lettre au pays des miracles" article publié d'après les archives de la maison de Lorde (Express du Midi; 3 Juillet 1933).
(8) Louis Guérin. "Lourdes", page 8. Paris 1930
(9) R. P. Huguet, Mariste "Trésor, historique des Enfants de Marie, T. II, p. 55.
(10) Eginhard "Vie de Charlemagne" Chap. XXVI - Cité par Dom Bouquet "Recueil des Historiens des Gaules et de la France" tome V. p. 99 C, voir également le même recueil "Les grandes chroniques de Saint-Denis" (Livre III, Cap. I et Livre IV, Cap. II) tome V. pp. 264 et 285).
(11) Abbé Dessailly. "Le grand Testament de Saint-Rémi" p. 109.
(12) Abbé Buron: "Marie det la Maison de France". Revue des Prêtres de Marie, Reine des Coeurs, décembre 1938. - A Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée).
(13) Pour tous ces faits consulter Dom Bouquet "Recueil des Historiens des Gaules et de la France". tome VII, p. 80 A et 274 B; Tome VIII, p. 80 A.
(14) Voir le poète contemporain Abbon - Chant I vers 328. Hamon - op. cit. I, pp. 14 à 16.
(15) Toutes les références indiqueées ci-après sont celles du "Recueil des Historiens des Gaules et de la France". Le miracle de Chartres est relaté par les historiens suivants:
"Historia Normannorum" ex Willemi Gemeticensis Monachi VIII, 256 I)
"Ex alio fragmento historiae franciae" id. p. 302 C.
"Brevi chronico S. Martini Turonensi" id. 316 D.
"Chronique de Hugue, moine de Fleury sur les Rois modernes des Francs" id. pp. 318 A et 322 A.
"Histoire d'Orderie Vital, Moine de Saint Evroul" tome IX, p. 10 B.
"Ex chronic. Rotomag." id., p. 87 D.
"Ex chron. S. Florentii in Prob. novae Hist. Britanniae", id. 87 D.
Les historiens suivants relatent seulement le baptême de Rollon et son mariage avec Gisle, fille de Charles le Simple:
Ex chron. Roberti Abbatis S. Michaelis, edito ab Acherio ad Calcens Operum Guibert Abbatis Novigenti - id. p. 87 E.
"Ex chronico Piscanensi" d'après Labbe - id. 87 E, etc.
(16) Voir Mgr Ricard "La Mission de la France" p. 150.