vendredi, juin 08, 2007

Lettre de Marie Mesmin au Cardinal Andrieu adressée le 10 février 1916

Statue N.D. de Lourdes, BordeauxImage ci-contre: Statue de Notre-Dame de Lourdes, la "Vierge de Bordeaux", "Notre-Dame des Pleurs"

Que Jésus et Marie soient aimés de tous les coeurs! Je suis la servante du Seigneur.

Eminence,

Je suis la fille obéissante de l'Eglise, dont vous êtes en ce diocèse l'unique représentant et où, en cette qualité, tout le monde vous doit obéissance. Plaise à Dieu que ce ne soit pas moi qui manque à ce devoir!
Vous avez défendu, Eminence, que les prêtres assistent à nos réunions de prières. En conséquence, aucun prêtre n'y assistera plus désormais, malgré la satisfaction que j'avais de voir en eux des témoins pouvant constater que l'unique but de ces réunions est de prier en esprit de pénitence et de réparation pour éviter les fléaux qui, ayant commencé par la guerre, vont devenir de plus en plus terribles, de prier aussi pour la conversion des pécheurs, le retour des âmes à Dieu, la délivrance des âmes du Purgatoire et l'extension du règne du Sacré-Coeur dans le monde entier, de prier enfin pour l'Eglise, le pape, la France, pour votre Eminence et tout votre diocèse. C'est la Très Sainte Vierge qui a demandé ces prières.
Beaucoup de nos amis y viennent aussi pour remercier la Très Sainte Vierge d'avoir été témoins de ses larmes, de ses parfums et de nombreuses grâces obtenues par l'invocation de Notre-Dame des Pleurs.
Nombreux aussi ont été les soldats préservés visiblement sur les champs de bataille, où plus d'une fois, les porteurs de son image sont restés seuls debout et intacts, alors que la mitraille avait fauché tous leurs compagnons autour d'eux. Mais ce n'est qu'après la guerre qu'on les verra venir en nombre, témoigner leur reconnaissance pour de si grandes faveurs.
Je suis heureuse de vous dire, Eminence, dès à présent que les miracles de guérisons, de conversions, de protections et de grâces de toutes sortes opérées déjà par Notre-Dame des Pleurs sont innombrables. Mais si, pour obéir à votre Eminence je n'admets plus les prêtres à nos réunions, puis-je prendre sur moi d'en interdire l'accès à toutes les personnes, objet de ces faveurs, qui viennent, par leur présence, témoigner leur reconnaissance à notre bonne Mère du Ciel? Si vous l'ordonnez, Eminence, je me soumettrai, certaine que si la Très Sainte Vierge est privée de ces hommages et les âmes des grâces qu'elles reçoivent, je n'en porterai pas la faute. C'est pourquoi je n'ose le faire que sur un ordre formel de votre Eminence, qui me dégagera devant la Sainte Vierge, de toute responsabilité. Je n'aurai alors qu'à me soumettre, en fille obéissante de la sainte Eglise.
Si même, vous décidez que pour des raisons qu'il ne m'appartient pas d'apprécier, je doive m'éloigner de Bordeaux, je suis encore à vos ordres. Mais je vous ferai remarquer, Eminence, qu j'ai mon mari mobilisé comme infirmier aux Chantiers de la Gironde, où il est depuis dix neuf ans, que j'ai quatre orphelines que j'ai prises pour correspondre aux demandes de la Très Sainte Vierge.
J'ai reçu une mission, il est vrai, mais il ne m'appartient pas de choisir les moyens de la remplir. Je dois avant tout obéir, et je dirai à la Sainte Vierge que, n'ayant pas été entendue, je n'ai pu mieux faire. Alors nul doute que, dans sa sagesse, Elle avisera et prendra des moyens qui ne sont pas en mon pouroir.
Votre Eminence sait mieux que moi, qu'aujourd'hui c'est la lutte entre le bien et le mal et que l'esprit du mal, plus que jamais, use de tous les artifices pour dominer le monde entier et se rendre maître de tous les coeurs.
Que Dieu demande-t-il à chacun de nous dans cette grande bataille spirituelle? Simplement de faire chacun son devoir: au chef de commander, au soldat d'obéir. Je suis comme le simple soldat, je n'ai qu'à obéir. Le rôle des généraux est bien plus difficile car ils ont, non seulement le devoir de connaître les mouvements de l'ennemi et de deviner ses ruses, mais aussi la responsabilité de maintenir la discipline à tous les degrés de la hiérarchie militaire et de bien prendre garde de ne pas laisser les officiers subalternes influencer le commandement, car faute d'unité dans le commandement, on court à la défaite.
Dans ce combat spirituel, qui se livre aujourd'hui, Eminence, et qui se livre pour le Roi du Ciel, sous les yeux de sa Sainte Mère vous saurez faire respecter par tous le haut commandement qu'il vous a confié, auquel est attaché une responsabilité infiniment plus grande que celle qui incombe au petit soldat; et je suis ce petit soldat humblement soumis à vos ordres.
Je sais que depuis longtemps, Eminence, il y en a qui cherchent à enterrer la Vierge des Pleurs, mais réfléchissons que nous ne pourrons point enterrer la Mère de Dieu, mais que des milliers d'hommes sont déjà enterrés et que tout n'est pas encore fini. On ne peut point toucher aux reines de la terre, comment oserions-nous toucher à la Reine du Ciel? Elle est notre Mère et surtout la Reine du Clergé.
Un jour la Sainte Vierge me disait "Ma fille, si les prêtres savaient la responsabilité qu'ils ont, ils en mourraient de frayeur. Prie pour eux". Et vous en ce moment, Eminence, vous avez une grande responsabilité. C'est pourquoi, de tout coeur, je prie la Sainte Vierge pour vous.
Je sais, Eminence, que depuis quelques années, vous êtes persécuté par ceux de votre diocèse et d'autres, pour la cause de Notre-Dame des Pleurs et Dieu vous a donné la grâce de lutter jusqu'à ce jour. Au moment où la Très Saint Vierge a demandé le plus de prières, pourriez-vous abandonner sa défense? Je vous promets, Eminence, de bien prier pour vous et de demander les lumières du Saint-Esprit, afin que vous soyez éclairé. Je vous dis tout cela comme étant une pauvre petite esclave de la Très Sainte Vierge.
Eminence, ne fermons pas la porte de la Très Sainte Vierge des Pleurs, car j'ai peur qu'Elle ne nous ferme à tous la porte de son coeur.
Avant de terminer ma lettre, je tiens à vous dire, Eminence, que la cause de la Très Sainte Vierge, Notre-Dame des Pleurs, est entre vos mains. Notre pèlerinage ici-bas est de bien courte durée et bientôt dans l'éternité, notre cause à tous sera entre ses mains.
Daignez, Eminence, pardonner à votre humble servante de vous écrire si longuement; et humblement prosternée à vos genoux, j'ose implorer votre bénédiction apostolique.
De votre Eminence la très humble servante.

Marie MESMIN, Esclave de Marie.

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